édito

Le numérique, essentiel à la transformation de l’agriculture

Parce que le numérique et la robotique accompagnent la transition agroécologique, ce troisième numéro de Pluriel fait la part belle au digital. Les témoignages recueillis sur la plateforme d’essais Openfield et auprès des acteurs du Plan national de recherche et innovation contre la jaunisse de la betterave (PNRI), le positionne comme une des solutions fiables de la protection des cultures. Tester la performance des outils digitaux est même l’une des missions du Vitilab installé sur le Vinipôle Sud Bourgogne.

L’actualité confirme la montée en puissance des technologies connectées. Lancé le 22 septembre, le grand défi de la robotique et du numérique a reçu 21 M€ du programme France 2030. Le numérique intègre aussi la panoplie des solutions du plan Écophyto 2030 présenté dans les grandes lignes le 30 octobre aux parties prenantes. 

Outre la prédiction du risque des bioagresseurs, le numérique facilite la prise en compte de l’inflation réglementaire, la traçabilité des pratiques culturales et sécurise les décisions. Autant d’éléments qui viennent un peu réduire la charge mentale des agriculteurs. Un budget de 10 Mds € est consacré à la recherche de solutions digitales par les entreprises de protection des cultures membres de CropLife Europe. Plus de trente outils d’aide à la décision ou plateformes numériques agronomiques sont ainsi proposés par les équipes de nos adhérents. Collectivement, ces entreprises portent déjà un projet de digitalisation et d’homogénéisation des données réglementaires présentes sur les étiquettes des produits phytosanitaires dans le cadre du projet Digital Label Compliance. Lisibles par les agroéquipements, accessibles via une application ou un site web, ces informations vont notamment accroître la sécurité des applications de produits. 

Julien Durand-Réville,

responsable agronomie digitale Phyteis

Démarche collective

Vitilab, le numérique et la robotique à l’épreuve du terrain

Le Vitilab a intégré le réseau des Digifermes en 2023. Ses équipes expérimentent les dernières innovations technologiques et services numériques en partenariat avec les constructeurs, les viticulteurs et les techniciens.

Adossé au Vinipôle Sud Bourgogne, une structure collective de recherche et développement pilotée par la Chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, le Vitilab a pour objectif de répondre aux besoins des viticulteurs dans le cadre de la transition robotique et numérique. Réduction de la pénibilité au travail, gain de temps, intervention dans les zones en devers difficiles d’accès et précision accrue pour conduire la vigne, font partie des demandes de la filière. Des innovations sont confiées au Vitilab par les équipementiers pour être évaluées en conditions réelles de chantier.

Avec l’Institut de la vigne et du vin, le Vitilab crée des capteurs qui déterminent la masse foliaire afin d’ajuster la dose de produit phytosanitaire à appliquer. Des ateliers d’acculturation à l’univers numérique sont aussi organisés dans son FabLab.

En voisin et partenaire, le Lycée viticole « Lucie Aubrac » de Davayé sollicite le Vitilab pour apprendre aux étudiants à construire des objets connectés et à se familiariser avec les innovations réduisant l’impact environnemental des pratiques viticoles. De l’aveu de David Jacquot, professeur d’informatique : « C’est une vraie chance ».

 

Visite guidée du Vitilab par Guillaume Payre, responsable du Vitilab. Échanges avec Jérémie Corsin, viticulteur, Juliette Rauch, ingénieur Exxact Robotics, Florent Bidault, conseiller de la Chambre d’agriculture et du Vitilab sur la protection phytosanitaire ainsi qu’avec David Jacquot, professeur d’informatique au lycée agricole de Davayé.

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Guides Bioagresseurs

Désherber le blé : comment obtenir une parcelle propre ?

Pourquoi désherber les parcelles de céréales ? Pourquoi ne pas laisser les ronds de coquelicots et de bleuets ponctuer les champs de blé pour colorer les paysages ? La lecture agricole d’un tel tableau est tout autre… Les adventices, graminées ou dicotylédones, affectent la productivité de la culture et la qualité de la récolte.

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© Nadège Petit

Des seuils de nuisibilité sont identifiés à partir desquels le nombre de pieds par m2 de chaque espèce induit une perte de rendement de plus de 5 %. Il suffit de 22 coquelicots ou de 26 vulpins/m2 pour avoir un impact sur la production, en rendement comme en qualité. Un taux d’impureté élevé peut rendre la récolte inconsommable.

Des effets indirects se greffent, conséquence d’une hausse du stock de semences d’adventices dans le sol lorsque ces plantes ne sont pas maîtrisées régulièrement. Par exemple, des foyers d’ergot de seigle se maintiennent sur les graminées tel le vulpin. S’ajoute un coût pour le collecteur qui doit éliminer les contaminants dont la présence est soumise à des normes réglementaires.

Seule l’alliance des pratiques culturales et d’un programme herbicide adapté à la parcelle, maintient propres les champs de céréales mais également les autres cultures de la rotation.

 

Les pratiques culturales, premier herbicide !

Un blé se sème sur une parcelle propre, caractérisée par un faible stock de semences d’adventices dans le sol. Des pratiques culturales préparent le terrain. Avec le désherbage chimique, elles forment un tandem indissociable pour prévenir les résistances aux herbicides et sortir des situations difficiles. Quels sont les défis à relever pour désherber le blé cette saison 2023-2024 ?

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Dans les années 2000, le désherbage reposait essentiellement sur la chimie suite à une simplification du travail du sol et l’accès à des solutions chimiques efficaces. Toutefois, la mauvaise utilisation des solutions disponibles (dose réduite, application répétée) a favorisé l’apparition de résistances aux herbicides des familles chimiques utilisées au printemps en céréales, ACCase (sous famille des Fop, Den et Dim- HRAC1) et ALS (Sulfonylurées- HRAC2). Deux graminées sont particulièrement touchées : le vulpin et le ray-grass. Dans une moindre mesure, les dicotylédones coquelicot, séneçon et matricaire peuvent aussi révéler une résistance vis-à-vis des herbicides à mode d’action ALS.

« Les situations sont très liées à la parcelle, témoigne Magalie Devavry, responsable technique herbicides Bayer. On peut avoir 30 % de la population d’adventices résistantes à ces familles chimiques. Dans ce cas, leur emploi dans le cadre d’un programme, après une base appliquée à l’automne, aide toujours à réduire le stock de semences. Dans d’autres situations, 100 % de la population est concernée. Il faut alors s’appuyer sur le désherbage d’automne mobilisant d’autres familles chimiques qui restent encore efficaces ».

La tendance est à une montée en puissance des applications à l’automne avec un passage en pré-levée et/ou en post-levée précoce à 1 feuille du blé. Ce programme de désherbage à l’automne représente 75 % des parcelles en moyenne, avec de fortes disparités selon les régions (jusque 90 % dans le Nord dans le cadre des rotations courtes de type colza, blé, orge). Quant au choix des herbicides, il se raisonne en fonction de la nature du sol, de la flore dominante (espèce, niveau d’infestation) et du niveau de résistance. La résistance peut se vérifier à l’aide de tests en laboratoire. D’éventuelles résistances des vulpins et ray-grass aux ALS et ACCase se détectent par analyse (qPCR et HPLC) après prélèvement de plantules dans la parcelle.

La diversification des matières actives et de leurs modes d’action dans la culture et à l’échelle de la rotation est indispensable. Cette technique limite le risque de développement des résistances, par exemple en évitant d’appliquer en post-levée du blé une substance identique à celle utilisée en pré-levée. Le portefeuille des solutions s’est aussi fortement restreint.

Obtenir une parcelle propre en combinant les pratiques culturales

Quel que soit l’état de salissement de la parcelle, le « tout chimique » est aujourd’hui déconseillé. « On mise en premier sur l’agronomie en s’appuyant sur une combinaison de solutions pour obtenir une parcelle propre à l’échelle de la rotation, complète Magalie Devavry. Les leviers ayant démontré leur intérêt concernent le labour tous les trois-quatre ans, le faux semis, le décalage de la date de semis quand c’est possible. Selon Arvalis, jusqu’à 90 % d’efficacité peut être obtenu sur de haut niveau d’infestation en vulpins (1 000 pieds/m2) en décalant juste la date de semis. « Deux faux semis réduisent un haut niveau d’infestation, partage Magalie Devavry. Complétés par un désherbage mixte, mécanique et/ou avec du glyphosate, on obtient 100 % d’efficacité. Cette technique, qui consiste à faire lever les adventices grâce à un déchaumage puis à les détruire avant le semis, aide à avoir des parcelles propres sur le long terme. »

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« Sur la plateforme agronomique Culture Champs de Varaize en Charente, semer un maïs derrière un blé a permis de ramener le niveau d’infestation de 450 à 185 pieds/m2 », illustre Magalie Devavry, responsable technique herbicides Bayer.

L’introduction d’une culture de printemps dans une rotation courte type colza, blé, orge est aussi un bon moyen de perturber le cycle biologique des adventices inféodées aux cultures d’hiver et d’utiliser d’autres familles chimiques. Autres pistes explorées, plus complexes à mettre en œuvre : le choix de variétés de blé couvrantes pour rentrer en compétition avec la levée des adventices ou le semis du blé dans un couvert. Dans le second cas, tout l’enjeu est de détruire le couvert au bon moment au printemps pour « bénéficier de l’effet étouffant le plus longtemps possible et avant que le couvert ne concurrence le blé », précise l’experte.

Quant au désherbage mécanique pratiqué tôt à l’automne avec une herse étrille ou au printemps avec une houe rotative, il reste très dépendant des conditions météo. Le sol doit être bien ressuyé et l’adventice très peu développée, soit au stade filament pour une intervention à l’automne.

 

Pratiques culturales pour désherber le blé

Pratiques culturales pour désherber le blé

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Les substances actives herbicides autorisées sur céréales à pailles

À l’automne : une dizaine de substances actives.

  • *flufénacet, *diflufénican, aclonifène*, prosulfocarbe, chlortoluron, pendiméthaline, triallate, picolinafène, béflufutamide, isoxabène…

*Ces trois matières actives sont intégrées dans 80 % des applications herbicides d’automne.

Au printemps : une vingtaine de substances actives avec des spectres d’action très différents.

  • Anti-graminées : mesosulfuron, iododulfuron, propoxycarbazone,  pyrosulam, pinoxaden…
  • Anti-dicotylédones et anti-vivaces : metsulfuron, fluroxypyr, tribénuron, halauxifène, picolinafène, carfentrazone, clopyralid, bifenox, tritosulfuron…

 

 Désherber le blé en 2030

  • Les innovations herbicides seront moins efficaces en raison des critères toxicologiques et environnementaux exigés par la réglementation européenne.
  • Les pratiques agronomiques sont incontournables.
  • Développement du désherbage mécanique et mixte.
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Des applications sur smartphone tel FlashFlore de FMC aident à évaluer les espèces d’adventices en sortie d’hiver lorsque la croissance des plantes redémarre.

Damien Beaujouan, agriculteur dans le Loir-et-Cher à Roches (150 ha)

Confronté à une pression en graminées adventices excessive sur certaines des parcelles reprises à la fin des années 1990, Damien Beaujouan a pris conscience de l’échec des stratégies de désherbage fondées uniquement sur les herbicides.

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« Le tout chimie, c’est fini ! »

« Je comptais dans certaines zones jusqu’à 2 000 vulpins/m2 ! », se souvient-il. En cause : une dérive de résistance de ces graminées aux herbicides de la famille des ALS, appliqués à dose réduite et employés comme seule solution de désherbage à cette époque.

S’entourant de conseils, cet agriculteur a donc choisi dès 2008 un autre outil de travail : le sol. « Le jour où j’ai effectué un faux semis, j’ai vu de premières améliorations », partage-t-il.  Un an après, la population de vulpins avait baissé de 50 % ! Depuis, Damien Beaujouan programme un faux semis sur toutes ses parcelles après une récolte et quelle que soit la culture. « C’est un travail de longue haleine, insiste-t-il. La clé de la réussite ? « Attaquer les mauvaises herbes le plus tôt possible et avoir un sol frais », répond-il. Les adventices juste levées sont ensuite détruites mécaniquement.

Toujours expérimenter de nouvelles pratiques agronomiques

Progressivement, il introduit d’autres pratiques. Un labour tous les trois ans permet d’enfouir les graines. Depuis 6 ans, il décale de 15 jours la date de semis du blé et de l’orge. Les adventices sont moins susceptibles de lever. Une efficacité d’environ 85 % est ainsi déjà obtenue en combinant ces leviers. Ensuite, il intervient avec un désherbage mécanique quand les conditions climatiques sont réunies : « J’essaye la herse étrille pour détruire les graines juste levées. Les filaments dessèchent au soleil. » Toujours dans une démarche de progrès, l’agriculteur du Loir-et-Cher a rallongé sa rotation avec de la betterave et du maïs afin de casser le cycle des adventices. En mai, du millet a été inséré, lui aussi semé avec 15 jours décalage. Dernier levier expérimenté : couvrir le sol en privilégiant les variétés avec des feuilles larges pour bloquer le développement des adventices. Grâce à l’imagerie satellite et au numérique, il module la densité de semis des variétés Chevignon et Extase. Elles sont semées à 300-350 grains/m2 contre 250 habituellement.

Se passer du désherbage chimique ?  

Tirer un trait sur les herbicides ne lui semble pas être la solution. La chimie finit le travail des pratiques culturales. L’un ne va pas sans l’autre. L’agriculteur choisit d’intervenir dans la foulée du semis de céréales. « Dès qu’on sème, ça lève, donc plus vite on agit, mieux ce sera. Ainsi, je décroche le semoir pour enchaîner le désherbage de la parcelle et non lorsque j’ai fini tous mes semis, soit 10 jours après. » Et d’ajouter : « Sans réduire les doses, pour ne pas reproduire les erreurs du passé. »

Constance Richard, responsable agronomie et innovation du groupe coopératif Lorca (57)

« Dans nos essais, nous travaillons une stratégie de désherbage du blé couplant tous les leviers agronomiques disponibles. »

La coopérative Lorca pilote des essais multifactoriels du désherbage au niveau de la rotation. En effet, sur des sols hydromorphes et drainés, propices au vulpin, la chimie ne suffit plus.

Depuis plus de trois ans, le service agronomique de la coopérative Lorca travaille sur l’intérêt du décalage des dates de semis sur ses essais « gestion du vulpin ». Constance Richard a donc instauré de petits rituels dont celui de compter ces graminées adventices en novembre dans les microparcelles de blé et d’orge d’hiver. Entre les parcelles semées autour du 10 octobre et celles semées traditionnellement, fin septembre, la différence ne fait aucun doute. Sur l’essai 2022-2023, 98 pieds par m2 en moyenne sont dénombrés dans les blés semés avec 10 jours de décalage contre 319 lorsque les habitudes sont conservées. Initialement, le niveau d’infestation se situait tout de même entre 600 et 1 000 plantes/m2. « Depuis deux à trois ans, les agriculteurs sont plus réceptifs vis-à-vis de ce levier agronomique pour gérer en amont les problématiques vulpins dans leurs céréales, explique-t-elle. En plus de faire ses preuves avec 64 % d’efficacité obtenue dans nos essais, il laisse du temps pour réaliser, au préalable, un ou plusieurs faux semis.

Constance Richard

Constance Richard, Lorca

« On a démontré dans nos essais que si l’efficacité du programme herbicide sur le vulpin est inférieure à 85 %, on dépasse les normes réglementaires de taux de présence de l’ergot dans les grains de blé.»

Viser le 100 % d’efficacité contre le vulpin

Majoritairement drainées, les parcelles ne peuvent être désherbées qu’avec un nombre restreint de molécules, ce qui accentue le risque d’apparition de résistances.

Pour venir à bout du vulpin, elle estime que la stratégie de désherbage doit viser les 100 % d’efficacité : « Un désherbage chimique même avec 90 % d’efficacité sur une forte infestation de vulpins est insuffisant ! En effet, il restera encore un nombre de pieds trop important l’année suivante. » La tendance est de s’appuyer sur les herbicides d’automne en complément de l’agronomie. Les interventions doivent être considérées comme des solutions de rattrapage dans les situations extrêmes uniquement. Toutefois, une majorité des vulpins de la région se révèlent résistants aux inhibiteurs de l’ACCase et aux herbicides de la famille des ALS.

 

Réfléchir à l’échelle de la rotation

Pour l’ingénieure, l’avenir du désherbage repose sur une approche technique conçue en entonnoir. Outre la combinaison de pratiques culturales ciblées, pour obtenir une parcelle durablement propre, il faut en premier lieu agir à l’échelle de la rotation. Introduire une culture de printemps, maïs, tournesol, pois, dans les rotations de blé, colza et orge casse le cycle des adventices et permet d’utiliser d’autres molécules herbicides. « L’introduction de culture d’été ou de printemps est désormais le levier indispensable à mobiliser dans un premier temps », souligne-t-elle.

Carnets

Sciences – CropLife Europe dévoile les résultats de son étude sur trois Systèmes de transfert fermé

Pour obtenir des données robustes sur le niveau de protection des agriculteurs utilisant trois Systèmes de transfert fermé (STF) des produits phytopharmaceutiques, une étude a été menée en conditions réelles à l’automne 2021 sous Bonnes pratiques de laboratoire (BPL). Présentation des résultats qui feront bientôt aussi l’objet d’une publication scientifique.

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Quel est le niveau de protection des trois Systèmes de transfert fermé easyconnect, EasyFlow® et GoatThroat ® lorsque les agriculteurs font face à rythme soutenu de chargement de leur pulvérisateur ? « Ces dispositifs ont déjà passé avec succès les examens exigés pour obtenir la norme ISO 21191/2021 relative aux STF, explique Julien Durand-Réville, responsable santé prévention chez Phyteis. Néanmoins, le calcul précis de l’efficacité de ces systèmes pour protéger les opérateurs n’était pas établi. Nous souhaitions aussi recueillir des données dans des situations d’usages réels. »

Les données brutes, issues de l’étude BPL à l’initiative de CropLife Europe et validées par une tierce partie, ont été soumises en juillet à l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA). Une publication scientifique à comité de lecture est en cours de rédaction cet automne pour donner accès plus largement aux résultats. Les agences européennes d’évaluation des substances phytopharmaceutiques de chaque pays pourront ensuite s’emparer de ces valeurs de protection des applicateurs lorsqu’elles devront définir les conditions sécuritaires d’application des produits.

Easyconnect, soutenu par 13 entreprises de protection des cultures, en déploiement

 

Easyconnect est le système retenu par treize sociétés de protection des cultures. Il est composé d’un connecteur relié au pulvérisateur et d’un bouchon spécifique. D’ici à 2030, les entreprises vont progressivement équiper leurs bidons de produits liquides (de 1 à 20 l) avec ce bouchon adapté. « Ainsi, en évitant les incidents et les éclaboussures, easyconnect contribue à la sécurité des agriculteurs et à la protection de l’environnement, partage Marie Luciot, responsable Affaires réglementaires chez Adama. D’importants bénéfices ont été relevés lors de l’étude : sécurité significativement renforcée avec une réduction de l’exposition de l’ordre de 98 %, pas d’odeur ainsi que rapidité et efficacité des tâches lors des phases de chargement et de rinçage des bidons ».

Afin de déployer l’offre, les entreprises sont ouvertes à toutes les collaborations avec d’autres fabricants de connecteurs, « à condition de faire essayer ces futurs matériels en conditions réelles avec nos agriculteurs testeurs », indique Vincent Jacus, en charge du dossier easyconnect pour BASF Agro. De même, l’adaptation sur un pulvérisateur doit pouvoir être universelle, « quels que soient la marque et le type machine ».

Des sociétés d’autres secteurs de l’agrofourniture, notamment des fertilisants ou biofertilisants liquides, seraient intéressées par le dispositif et pourraient également rejoindre le groupe initial.

Réduction de l’exposition aux produits phytosanitaires jusqu’à 99 % 

Les trois systèmes montrent une réduction significative de l’exposition de l’opérateur par rapport aux valeurs de référence issues du modèle d’évaluation européen, l’AOEM (Agricultural Operator Exposure Model) utilisé par l‘EFSA. Pour easyconnect et EasyFlow®, le potentiel de réduction de l’exposition par rapport à l’AOEM est établi entre 98,3 % et 99,6 % (selon les percentiles et les deux formulations retenues).

Pour GoatThrow®, la réduction de l’exposition ressort quant à elle entre 72,6 % et 93,2 %. Le nettoyage des conteneurs avec le système GoatThroat®, effectué manuellement par agitation et le fait que le système nécessite de plonger et retirer un tuyau rigide dans le bidon, peuvent expliquer ce décalage.

« Si on cumule l’usage de STF et d’EPI, le résultat de réduction des trois systèmes est similaire et proche d’empêcher entièrement l’exposition des opérateurs, précise Julien Durand-Réville. C’est vraiment efficace dans la vraie vie. »

Caractéristiques des trois systèmes de transfert fermé
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  • 4 pays européens impliqués : Allemagne, Pays-Bas, France et Espagne
  • 3 Systèmes de transfert fermé testés avec pour chacun 2 formulations (l’une très visqueuse, l’autre très liquide)
  • 972 opérations de remplissage réalisées par douze opérateurs ont été tracées dans l’étude européenne
  • 27 bidons manipulés pour chacun des trois STF
  • Les équipements de protection individuelle (EPI) et sous-vêtements collecteurs utilisés ont été soigneusement découpés et analysés afin de détecter d’éventuelles traces de résidus sur les EPI et même sous les EPI (pour étudier l’effet cumulé de l’usage d’un STF et d’EPI).

Sciences – Jaunisse de la betterave, des solutions combinatoires se précisent

Des pistes de recherche sont à approfondir dans le cadre de la deuxième phase du Plan national de recherche et innovation (PNRI) créé en 2020 pour contrer la jaunisse de la betterave. Présentation de ces solutions par des acteurs du PNRI lors du salon Betteravenir, organisé les 25 et 26 octobre à Berny-en-Santerre dans la Somme.

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Prouesse collective amenant à un changement de paradigme dans la protection d’une culture contre  un bioagresseur, le PNRI préfigure la nouvelle façon de travailler soutenue par l’État dans le cadre du  Plan Écophyto 2030. « On construit à la fois la destination et la trajectoire, c’est une autre façon de  faire qui est très intéressante », a expliqué Christian Huyghe, directeur scientifique de l’Inrae et du PNRI  le 25 octobre sur le salon Betteravenir, avant que Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, n’annonce  la prolongation du PNRI pour trois autres années.  

Dans ce programme de recherche, le raisonnement « une problématique, une solution », n’a plus lieu d’être. À la place, une combinaison de leviers se dessine. Elle repose sur l’agronomie, la génétique, le semis de plantes compagnes, le digital pour prédire le risque, le biocontrôle, la régulation avec les  insectes auxiliaires, et en dernier recours, la protection insecticide foliaire.

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Lors du salon Betteravenir, échanges avec des partenaires du PNRI sur les  solutions expérimentées pour contrôler les pucerons vecteurs des virus de la jaunisse, limiter les réservoirs de virus, prédire le risque ou améliorer la tolérance des variétés de betteraves.

Limiter les réservoirs de virus de la jaunisse et de pucerons 

Les chercheurs mènent un véritable travail de détective pour comprendre la multiplication des virus  et des pucerons ainsi que les mécanismes d’infection. Ils cernent au niveau des parcelles de  betteraves les nombreuses plantes hôtes. «Vouloir toutes les gérer, c’est compliqué », explique Jean-Christophe Simon, chercheur à l’Inrae chercheur. Le réservoir le plus évident reste la betterave. 

« Dans les échantillons de plantules de betteraves qui poussent dans les cordons de déterrage nous  avons détecté la présence de virus. Les repousses de betteraves dans les parcelles de céréales sont  aussi infectées. » L’enfouissement systématique des résidus de racines et la destruction des repousses  par un désherbage chimique s’avèrent efficaces. La caractérisation des autres plantes hôtes se poursuit. 

 

Variétés de betteraves tolérantes à la jaunisse

Les attentes sont fortes du côté de la génétique. Une centaine de variétés de betteraves inoculées par  les virus de la jaunisse sont évaluées chaque année par le Geves en vue de leur inscription au  catalogue. Pour mesurer leur tolérance vis-à-vis de cette maladie, elles sont comparées à un témoin  non traité et à un deuxième non inoculé mais protégé avec un insecticide foliaire. Reste aussi à  mesurer le rendement en sucre pour que ces variétés restent dans la course.

 

61 400 micro-parcelles d’essais de variétés de betteraves sucrières en 2023

107 variétés inoculées par un cocktail de virus, 139 en monovirus 

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« Entre les variétés, nous observons une variabilité de réponse, explique Denis Beghin, secrétaire technique betteraves et chicorée industrielle du Geves. Toutefois ce qui compte, c’est la tendance et la réponse génétique s’améliore au fil des années. En 2028, un bon compromis devrait être obtenu entre la tolérance à la jaunisse et le rendement. »

 

Les solutions qui perturbent les pucerons

Semis de plantes compagnes des betteraves

 

Parmi les projets de recherche à approfondir dans le cadre de la seconde phase du PNRI figurent ceux qui perturbent les pucerons verts aptères. De l’avoine rude ou de l’orge de printemps semées avant la betterave pourraient créer une barrière physique en plus d’un effet répulsif vis-à-vis de ces insectes. « En semant l’orge ou l’avoine en plein, près des betteraves, il est possible que l’effet perturbateur soit plus fort qu’en les positionnant en inter-rang, mais ces graminées entrent alors plus en concurrence avec la betterave, indique Quentin Tilloy, adjoint du département agronomique de Cristal Union. Il faudrait donc les détruire avant le mois de juin pour ne pas risquer de compromettre le rendement.» L’orge positionnée entre les rangs peut être détruite avec un désherbage mécanique. Reste à peaufiner l’itinéraire technique, évaluer l’attractivité sur les auxiliaires et à combiner les plantes compagnes avec d’autres leviers avant de déployer cette technique.

Efficacité relevée dans les essais PNRI :

  • Avoine : 36 % de réduction des pucerons aptères et 34 % de baisse des
    symptômes de jaunisse.
  • Orge de printemps : 33 % de réduction des pucerons aptères et 31 % de
    baisse des symptômes de jaunisse.
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Quentin Tilloy, département agronomique de la sucrerie Cristal Union : « Dans un itinéraire technique avec une plante compagne, il faut mettre en perspective la réduction de la pression des pucerons, la concurrence avec la betterave, le coût d’implantation, la contrainte pour l’agriculteur avec deux semis et le risque d’un désherbage en plus ».

 

Lâcher d’insectes auxiliaires et création de zone de conservation naturelle

Les bandes fleuries hébergent les insectes auxiliaires naturels : syrphes, carabes, coccinelles… Afin  d’accroître le niveau de prédation du puceron, la société If-Tech travaille avec l’Institut technique de  la betterave (ITB) pour trouver la méthode d’introduction à grande échelle du chrysope. Les larves dévorent jusqu’à 50 pucerons par jour et sont actives pendant 3 à 4 semaines. Ensuite, les adultes vont voler vers les bandes fleuries pour effectuer leur cycle biologique.  

Formulés avec une poudre, les œufs sont appliqués à hauteur de 20 à 40 œufs par m2 à l’aide d’un matériel de précision DPS 12 expérimenté avec l’ITB.  

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Christian Heckeur, CEO de IF-Tech, société spécialisée dans les solutions de biocontrôle et localisée à Pont-du-Cé (49) avec Kimberley Menard, chargée d’expérimentation. Ils indiquent obtenir de bons résultats en positionnant les œufs de chrysopes au cœur des betteraves. Les niveaux d’efficacité restent à confirmer.

Le biocontrôle avec les médiateurs chimiques, l’huile de paraffine, les parasites

Une voie explorée en biocontrôle concerne les médiateurs chimiques. Une substance naturelle miscible attire plus tôt les prédateurs naturels des pucerons sur la culture de betterave. Elle s’applique en deux passages au pulvérisateur.

Autre médiateur chimique testé dans le PNRI : les allomones. Ces parfums naturels des plantes brouillent les informations perçues par les pucerons et perturbent leur développement.  

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La société Agriodor a mis au point des granulés qui émettent des odeurs perturbant les pucerons. Ces granulés sont à épandre au stade 2 à 3 feuilles de la betterave. La rémanence est de 28 jours. « Nous espérons l’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour 2025 » , indique Alain Thibaut CEO d’Agriodor. À sa droite, Amélie Monteiro de l’ITB, chef de projet PNRI pour l’évaluation des produits de biocontrôle.

Quant à l’huile de paraffine, elle réduirait la population de pucerons de près de la moitié. Les effets observés concernent l’insecte mais aussi la transmission du virus. Enfin, le micro-organisme Lacanicillium muscarium qui s’attaque aux pucerons, les élimine à hauteur de 40 % en moyenne, 15 jours après le traitement. Il a été testé seul, en mélange avec un insecticide et en combinaison avec des plantes compagnes. Paraffine et Lacanicillium ne sont pas homologués sur les betteraves sucrières.

Pratiques – Plateforme d’essais OpenField : Écosystème au service de la transition de l’agriculture

Le 13 juin 2023, se tenait la visite de plateforme d’essais pluriannuelle Openfield. Unique en France en raison de sa dimension et de son ouverture à différentes disciplines agronomiques et technologiques, elle sert de référence et de formation aux distributeurs et agriculteurs.

Pilotée par le réseau Bioline by InVivo (Bioline, Phyteurop, LifeScientific, Semences de France, Smag, BeApi…), Openfield est installée sur 13 ha à proximité de Milly-la-Forêt dans l’Essonne.

Outre les membres de ce réseau, la plateforme accueille 23 partenaires techniques de la robotique, du digital farming, de la pulvérisation, de l’irrigation, de la vie du sol, de la biodiversité et de l’agroalimentaire.

Elle se découpe en cinq rotations quinquennales emblématiques des régions agricoles françaises. Pour chaque rotation, l’équipe du réseau Bioline teste des solutions pour produire selon l’agriculture « bas carbone », l’agriculture de conservation des sols ou encore en réduisant l’Indicateur de fréquence de traitement (IFT). Reflétant les attentes sociétales, ces itinéraires sont comparés à ceux de l’agriculture dite conventionnelle. Principal enseignement en 2023 : une réduction de l’Indice de fréquence de traitement de 20 % à plus de 50 % est obtenue selon les cultures, avec en parallèle une baisse des coûts de production.

 

Six indicateurs de durabilité évalués sur Openfield

  • IFT : Indicateur de fréquence de traitement
  • CEPP: Certificat d’économies des produits phytopharmaceutiques
  • Coûts de production
  • Émissions de gaz à effet de serre
  • Stockage du carbone
  • Régénération des sols

Réglementaire – Décryptage des principaux textes et projets législatifs en Europe et en France

La stratégie globale du Plan Écophyto 2030 prend forme. Elle est soumise à consultation auprès des parties prenantes jusqu’à fin novembre. Au niveau européen, le calendrier s’accélère pour finaliser le projet de Règlement relatif aux nouvelles techniques génomiques (NGT) en 2023.

Europe

NGT, le calendrier des négociations se resserre  

Alors que la présidence espagnole du Conseil européen avance à grands pas avec les États membres sur le projet de règlement relatif aux nouvelles techniques génomiques (NGT), les votes en Commissions Agri et Envi sont prévus respectivement le 11 décembre 2023 et le 11 janvier 2024. 

Le 5 juillet dernier, la Commission européenne a publié sa proposition de texte encadrant deux techniques génomiques : l’édition du génome et la cisgénèse. Deux catégories de plantes NGT sont identifiées avec, pour chacune, une procédure d’évaluation spécifique. Appartiendraient à la catégorie 1, les plantes équivalentes à celles qui peuvent être obtenues par la sélection conventionnelle. Si elles répondent aux critères d’équivalence, elles sont exemptées des exigences de la législation sur les OGM. Le texte ne prévoit pas d’obligation d’étiquetage. En revanche, les semences seraient étiquetées « NGT ».

Pour les variétés NGT de catégorie 2, les exigences de la législation actuelle sur les OGM s’appliqueraient avec certains aménagements.  

Retrait de substances actives

  • L’autorisation de mise sur le marché (AMM) du glyphosate expire le 15 décembre 2023. À l’issue d’un processus scientifique d’évaluation, l’EFSA a conclu en juillet que la substance active glyphosate satisfaisait l’ensemble des critères de renouvellement, tels que prévus par l’article 4 du Règlement européen concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Les vingt-sept pays devraient voter à nouveau le 16 novembre pour son renouvellement, aucune majorité qualifiée ne s’étant dégagée lors du vote du 13 octobre.
  • Comme le proposait la Commission européenne, les experts des États membres ont acté, le 13 octobre à Bruxelles, de ne pas renouveler l’autorisation de mise sur le marché de trois produits phytosanitaires : le S-métolachlore, le benthiavalicarbe et le métirame. L’AMM du S-métolachlore (herbicide tournesol et maïs) qui avait été prolongée au mois de juin s’arrêtera le 15 novembre 2024. Le métirame, fongicide contre le mildiou, ne disposera plus de licence à compter du 31 janvier 2024. Celle d’un autre anti-mildiou, le benthiavalicarbe, se termine le 15 novembre 2024. En revanche, le renouvellement de l’AMM de l’éthéphon (arrêt initialement prévu en novembre 2024), un régulateur de la croissance des céréales, a été validé.  

Révision de la législation sur l’eau

Le 12 septembre, les députés européens ont adopté le rapport sur la réduction de la pollution des eaux souterraines et de surface et sur l’amélioration des normes de qualité de l’eau dans l’UE. Parmi les propositions du document, figure le réexamen de la norme de qualité de 0,1 μg/L et de 0,5 µg/L pour les eaux souterraines pour chaque substance active et dans le cadre de plusieurs substances détectées.

France

Stratégie globale du Plan Écophyto 2030 

Le plan Écophyto II + arrive à échéance en avril 2024. Le plan Écophyto 2030 va prendre le relais. Dans la présentation de la stratégie globale le 30 octobre aux membres du Comité d’orientation stratégique et de suivi (COS) Écophyto, l’État a confirmé son ambition de réduire de 50 % l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à l’horizon 2030 par rapport à la période 2015-2017. La nouvelle approche vise l’accélération du développement des solutions alternatives et de produits phytopharmaceutiques au profil éco-toxicologique plus favorables pour anticiper le retrait de certaines substances actives. Les filières finalisent l’identification des usages menacés pour présenter leur plan en décembre. 

L’État entend privilégier les stratégies de recherche de solutions alternatives et combinatoires. Il veut aussi massifier les pratiques agroécologiques. Aussi inscrite dans ce plan : la question de la protection du marché intérieur vis-à-vis des produits ne respectant pas les standards environnementaux. 

Les membres du COS ont jusqu’au 30 novembre pour partager leurs remarques. En parallèle, d’autres instances vont être consultées. Cette nouvelle stratégie doit être finalisée en janvier 2024.

Planification écologique

Le 25 septembre, Emmanuel Macron a présenté les grands axes de sa planification écologique, pour permettre à la France de réduire ses émissions nettes de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030 par rapport à 1990. Le président de la République a rappelé toutes les déclinaisons de la planification écologique, dont la stratégie biodiversité fait partie, avec les grandes priorités. Sur l’agriculture, Emmanuel Macron a souligné sa volonté de ne pas laisser les agriculteurs sans solutions de protection des cultures et de baisser de 30 % la dépendance au glyphosate, avec un point d’attention particulier au risque de surtranspositions.

Restriction d’emploi pour le prosulfocarbe

La Commission européenne s’est fixée jusqu’au 31 janvier 2027 pour réévaluer le prosulfocarbe, herbicide utilisé dans les cultures de céréales et de pommes de terre. De son côté, l’Agence française de sécurité sanitaire (Anses) a émis des restrictions d’emploi applicables depuis le 1er novembre 2023. Les produits homologués à 5 l/ha sont à utiliser à la dose de 3 l/ha ; ceux homologués à 3 l/t, à 1,6 l/ha. Sur les céréales à paille, l’application ne doit pas dépasser le stade BBCH 13 (3 feuilles) sur ces cultures. Pas de changement en revanche sur les pommes de terre. La distance de sécurité riverain est désormais de 20 mètres. Si les buses réduisent la dérive d’au moins 90 %, cette distance peut être ramenée à 10 m.

Dossier

En quoi le digital allège-t-il la charge mentale ?

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Penser à tout et parfois à son contraire ! Prévoir l’imprévisible. Être agriculteur, c’est jouer savamment avec les contraintes qu’impose le vivant, celles émanant de la réglementation et les aléas des marchés tout en assurant la productivité de son entreprise. La productivité reste le nerf de la guerre, l’enjeu majeur.

Alors oui, le digital aide à atteindre cet objectif, avant tout en épaulant le chef d’entreprise dans ses décisions. Cet assistant agronomique numérique prédigère le millefeuille réglementaire, un sacré poids en moins pour le chef d’entreprise ! La digitalisation rapproche des communautés d’agriculteurs, facilite les échanges et le partage de connaissances. Dans ce dossier, vous découvrirez la vision des acteurs du numérique et de la robotique sur les bénéfices apportés par les technologies du numérique ainsi que les défis à relever pour déployer leur adoption.

Temps gagné et risque diminué grâce à l’agronomie digitale

Comment l’agriculture numérique s’insère-t-elle dans le quotidien des agriculteurs ? Outre la puissance du calcul des modèles pour prédire l’apparition des bioagresseurs, le digital apporte de nouveaux services. Parmi les plus attendus : sécuriser les décisions et optimiser le temps de travail.

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© Nadège Petit

« Avoir la liberté d’agir, de se dédouaner d’une multitude de tâches pour se concentrer sur son cœur de métier est devenu un enjeu majeur ». Pour Thierry Desforges, agriculteur dans l’Essonne et référent agriculture numérique à la FNSEA, le changement climatique bouleverse la façon d’appréhender le métier et de s’organiser. « Nous avons des épisodes météorologiques de plus en plus marqués et violents ; il faut donc pouvoir rapidement s’adapter, témoigne-t-il. Avant, nous savions qu’à une période donnée, correspondaient des interventions. Dorénavant, quinze jours de pluie peuvent être suivis par trois mois de sécheresse, imposant une mise en alerte permanente, une remise en cause de nos choix et… de nos périodes de traitement des cultures ! »

Mieux anticiper la météo pour maîtriser son agenda, le nerf de la guerre ? Pas uniquement. S’ajoutent les incertitudes d’un métier qui travaille avec le vivant, croule sous les contraintes réglementaires et se confronte aux exigences sociétales, parfois contradictoires. En bon agronome, l’agriculteur doit en permanence être à l’affût des innovations. « On ne voit jamais un agriculteur qui n’est pas pressé, qui n’a pas des milliers de choses à penser », observe Paul Brillault, chargé de projets agriculture de précision et numérique pour la Chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir.

Pour ce conseiller, face à une telle charge mentale, l’intérêt premier du numérique réside dans le gain de temps tout en assurant la prise de bonnes décisions.

Paul Brillault prend ainsi l’exemple sur Optiprotech et MesSatimages intégrés dans la plateforme MesParcelles que proposent les chambres d’agriculture.

« Les modèles numériques incluent des marges de sécurité dans leur prédiction, complète-t-il. Ils digèrent et affinent les informations liées à la culture, aux comportements des variétés, à la parcelle, aux données météo, pour ensuite faciliter les choix à prendre ».

Assistant agronomique numérique, un œil sur chaque parcelle 

Les outils numériques endossent le rôle d’assistant en agronomie. Imagerie satellite, connectivité entre les technologies, capteurs et intelligence artificielle font la différence sur leur CV. Le coup de main intervient dès la surveillance des parcelles. Exemple, le logiciel Spotifarm d’Isagri intègre notamment une application pour réaliser, numériquement, le tour de plaine afin de gagner du temps. « L’imagerie satellite détecte des problèmes de levées, de maladies, des dégâts du gibier par exemple, précise Ralista Arsova de Spotifarm.. Elle change aussi l’angle de vision complétant ainsi une observation à hauteur d’homme. »

Pour Thomas Collet, responsable France Xfarm, plateforme de gestion de l’exploitation : « Une surveillance via des capteurs positionnés dans le sol et des pièges équipés de caméras de reconnaissance des ravageurs répond au besoin d’optimiser son travail. Les prescriptions qui en découlent sont plus précises sur les besoins en fertilisants, en eau ou en produits phytosanitaires. »

En cas de risque avéré, la modélisation de l’évolution des bioagresseurs rend possible l’application de produits au bon moment, ceux de biocontrôle inclus. Ces derniers, au mode d’action curatif précoce, demandent d’être positionnés au début de la contamination ou de l’attaque. L’utilité des Outils d’aide à la décision (OAD) ciblant le pilotage de la protection fongicide des céréales est d’ailleurs actée par 80 % des 549 céréaliers interrogés par le Contrat de Solutions en 2022. Parmi ces céréaliers, 63 % ont principalement recours à cinq outils : xarvio® FIELD MANAGER (BASF), Avizio (Syngenta), les solutions d’Isagri, Top Septo (Arvalis) et Optiprotect (MesParcelles). En France, toujours selon le Contrat de Solutions, 10 à 20 % des applications de fongicides sur blé sont économisées en moyenne grâce aux OAD. « Les attentes sont fortes, un OAD doit être le plus complet possible, indique Clotilde Bois-Marchand, cheffe de projet en charge du déploiement du Contrat de Solutions. On sent aussi que les agriculteurs ont besoin de recul pour évaluer une solution digitale. »

Les solutions d’agronomie digitale proposées par les adhérents de Phyteis

 

Des plateformes d’intelligence agronomique aux outils pour surveiller les populations de bioagresseurs et élaborer des programmes traitements phytopharmaceutiques, l’offre des adhérents de Phyteis compte 34 solutions digitales.

AGRONOMIE DIGITALE - Les outils numériques proposés par les entreprises de protection des plantes adhérentes à Phyteis.pdf

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Le numérique rationalise l’organisation des chantiers

Autre contrainte pour un agriculteur : organiser les chantiers avec les salariés et s’assurer de leur bon déroulement en cohérence avec les indications techniques et réglementaires. Une application, Aptimiz, a même été spécialement conçue pour compiler le nombre d’heures allouées par tâche, par zone, par personne et par machine afin de mieux planifier les travaux.

L’autoguidage du tracteur par géolocalisation couplé à la modulation de dose intraparcellaire, répond aussi à cette problématique organisationnelle. La machine reçoit un fichier avec la quantité précise de produits ou d’engrais à pulvériser ou à épandre selon les besoins de chaque zone de la culture. « Grâce à cette feuille de route, l’erreur n’est plus possible », relève Paul Brillault. Rassuré, l’agriculteur peut aussi disposer d’une complète traçabilité et visionner en temps réel sur des cartes, les informations liées aux chantiers. Collectées à l’aide de boîtiers embarqués sur les machines, les données liées à un chantier alimentent aussi les logiciels de gestion de l’exploitation. « Confrontées aux cartes de rendement, les informations agronomiques permettent à l’agriculteur d’ajuster ses pratiques l’année suivante », souligne Tristan Guilbot de Climate FieldView, plateforme de collecte des données.

 

Sécuriser la protection des cultures  

La fluidité dans l’échange des données simplifie considérablement la protection des cultures. De l’aveu de Paul Brillault, les API sont de plus en plus interopérables, évitant les ressaisies. Une norme internationale d’échange des data est d’ailleurs en discussion.

La connectivité s’établit aussi entre opérateurs, à l’image de celle annoncée fin septembre, par John Deere et la plateforme de recommandations agronomiques xarvio® FIELD MANAGER.

Reste à créer un cadre pour favoriser le déploiement des solutions numériques dans les fermes, à commencer par la confiance dans le partage des données. Celles-ci doivent rester la propriété des agriculteurs, ce que garantit, en France, le cadre réglementaire européen en cours de déploiement à travers le Data Governance Act (2020) et de la Data Act (2022).

Thierry DEsforges

Thierry Desforges, agriculteur à Itteville (Essonne) et référent numérique pour la FNSEA :

« Aujourd’hui, je pense que le numérique répond à des points très précis. Néanmoins, nous atteignons un palier. S’il n’améliore pas la rentabilité de l’exploitation, le numérique ne sera pas déployé massivement ».

L’OAD idéal ?

L’OAD rêvé par Thierry Desforges ? Celui qui demain pourra lui dire pour chaque parcelle géolocalisée et après l’analyse de millions de données liées à la composition de son sol, aux caractéristiques génétiques des variétés, aux prédictions météo plus performantes sur le long terme ainsi qu’aux connaissances plus approfondies sur l’évolution des bioagresseurs à l’échelle de la rotation : que semer et où dans les quatre prochaines années. « Par exemple, si j’ai la possibilité de contractualiser avec un collecteur sur cinq ans pour lui livrer 15 tonnes de lentilles, l’OAD doit pouvoir me désigner la bonne parcelle, m’indiquer comment optimiser la conduite de la culture et quel sera le bilan technico-économique », précise-t-il.

Quelqu’un est-il déjà sur le coup ?

Entretien avec François Thierart, cofondateur de MyEasyFarm et ambassadeur régional de La Ferme Digitale

Le réseau de start-up La Ferme Digitale cherche à promouvoir les innovations et les solutions au service d’une agriculture durable. Nombre d’entre elles ont investi le domaine de la protection des plantes. Parmi les enjeux identifiés : la traçabilité et la réduction des quantités de produits phytosanitaires.

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« Les start-up sont l’avant-garde agile pour répondre aux besoins des agriculteurs. »

La protection des plantes est-elle un domaine abordé par les start-up de La Ferme Digitale ?

Sur nos 120 start-up, près de 30 % d’entre elles travaillent cette thématique, et ce, sous plusieurs formes. Certaines choisissent de développer des produits, de type biocontrôle, et d’autres des outils d’aide à la décision. Pour ces derniers, plusieurs enjeux sont concernés. Le premier touche la réduction de doses sans pénaliser le rendement. Cela se traduit, par exemple, par le développement d’outils de reconnaissance de mauvaises herbes lors des applications pour mieux les cibler. Dans certains cas, ces techniques contribuent à une réduction des doses de 90 % : cela est très prometteur. La question de la traçabilité devient également centrale. L’agriculteur est de plus en plus sollicité pour mentionner auprès des opérateurs des filières quel produit il utilise, quand et à quelle dose. Plusieurs start-up développent des OAD pour lui faciliter le travail, et faire en sorte qu’il respecte la réglementation.

 

Comment vos entreprises travaillent-elles avec l’écosystème agricole ?

Certaines start-up sont adhérentes, mais nous travaillons également avec des partenaires et un réseau « d’amis » de La Ferme Digitale. Nous cherchons à créer davantage de synergies dans le monde des fournisseurs de l’approvisionnement agricole et de solutions. Notre objectif est d’éviter de fonctionner en silo. Aussi, nous essayons de renforcer nos échanges avec des grands groupes, notamment sur le sujet de la protection des plantes. Nous leur apportons agilité et innovations. De leur côté, ils disposent de moyens importants pour déployer ces outils. Reste à convaincre l’agriculteur de l’utilité des solutions numériques. En revanche, une fois qu’il les a adoptées, il leur reste fidèle !

La question de l’agriculture numérique est-elle bien prise en compte par les politiques publiques ?

Nous menons des actions de sensibilisation et de lobbying auprès du Gouvernement pour expliquer que les données jouent un rôle important dans la transition agroécologique de l’agriculture française. En 2022, nous avons même produit un rapport sur la French Agritech allant dans ce sens. Des plans d’investissement comme France Relance 2030 se focalisent beaucoup sur le matériel agricole. Cela est indispensable. Toutefois, il faut également soutenir le développement des logiciels qui, connectés à ces agroéquipements, permettent le pilotage plus précis de traitements phytosanitaires.

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MyEasyFarm est une plateforme spécialisée dans l’agriculture de précision et l’agriculture bas carbone. Labellisée Data Agri, elle est interopérable avec la majorité des logiciels de gestion parcellaire, les OAD du marché et tous les matériels agricoles.

Brice Beaulin

Brice Beaulin – agriculteur à Rogny-les-Sept-Ecluses (89)

« La différence se fait dans l’allègement de la charge administrative »

Sur le plan agronomique, le digital, dont les Outils d’aide à la décision (OAD), doit venir en appui de l’échange humain. Même si j’utilise des OAD pour la météo ou le pilotage de ma fertilisation, je continue d’échanger avec mon technicien et mon groupement de développement agricole. En revanche, là où le digital peut vraiment faire la différence, c’est dans la gestion administrative et la traçabilité. Ces tâches sont de plus en plus chronophages. Bien souvent, et c’est mon cas, si un agriculteur gère à la fois une partie de son exploitation en agriculture biologique et l’autre en conventionnel, les déclarations se multiplient. Cela concerne également les démarches demandées par les filières. Nos organismes stockeurs exigent un suivi de plus en plus poussé sur nos pratiques agricoles et nos productions.

La robotique se cale sur de nouvelles pratiques agroécologiques

Les robots peuvent-ils répondre aux contraintes qu’impose la transition agroécologique ? Le changement de système de production demande plus de temps au champ et de finesse pratique. L’apport de ces machines va être évalué sur l’AgroTechnoPôle de Montoldre dans l’Allier dans le cadre national du Grand défi de la robotique agricole.

Baisse des utilisations des intrants promue dans le Green Deal à l’échelle européenne et refonte en France du Plan Écophyto obligent, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire compte notamment sur le numérique et la robotique pour accélérer la transition agroécologique. Dans cette perspective, davantage de ressources sont allouées aux projets de recherche.

Bénéficiant d’une enveloppe de 21 M€ attribuée par France 2030 et piloté par l’association RobAgri, le Grand défi de la robotique agricole a été lancé le 22 septembre, concomitamment avec la pose de la « première pierre » de l’AgroTechnoPôle localisé sur le site de l’Inrae à Montoldre dans l’Allier.

Cette plateforme collaborative intègre un réseau qui sera structuré dans le cadre du Grand défi.

Adossée entre autres aux laboratoires de recherche de l’Inrae et du CEA, elle s’enrichit des compétences d’entreprises innovantes et des principaux équipementiers. Outre le déploiement des solutions opérationnelles pour les agriculteurs, le Grand défi de la robotique doit lever des verrous technologiques et réglementaires.

 

Création de références pour déployer la robotique

Pour accepter une nouvelle technologie, il faut créer des références. À terme, le Grand défi de la robotique agricole doit fournir des données et répondre à trois questions clés pour l’agriculteur : Quels besoins sont couverts ? Quels sont les gains et le retour sur investissement en termes de temps de travail libéré, de surveillance des cultures et de transition agroécologique ?

Des bancs d’essais vont permettre de caractériser les robots en lien avec les pratiques agroécologiques. Tous les enjeux sont passés en revue : cybersécurité, consommation énergétique, tassement du sol, performance sur le volet pulvérisation avec l’intelligence embarquée, temps de travail, sécurité au champ… Des bénéfices sont d’ores et déjà identifiés notamment en vigne et maraîchage, secteurs les mieux pourvus en robots. « Le numérique et la robotique augmentent la précision, partage Stéphane Duran, responsable de projet RobAgri. Les engins effectuent des tâches répétitives de façon autonome et peuvent intervenir dans des zones difficiles. Ils répondent aussi au problème de recrutement de saisonniers ou de chauffeurs. En effet, faute de bras, des récoltes se perdent. »

Configurables, ces machines peuvent travailler en essaim afin d’optimiser les chantiers : un tracteur maître électrique collabore avec une ou deux unités autonomes tel le dispositif développé par Sabi Agri. Autre atout, pointé du doigt par Jean-Luc Picourlat, agriculteur et créateur via sa société Softivert d’un prototype de robot Softi Rob destiné à la conduite du maïs et du soja : « Outre l’allègement de la charge de travail, la robotique change le regard porté sur l’agriculture. Lors d’une démonstration avec notre robot, sur les 250 personnes présentes, nous avions près de 200 voisins ».

Pratiques culturales innovantes, quel est le rôle des robots ?

Sur l’AgroTechnoPôle, les robots vont être évalués dans le cadre des nouvelles pratiques agroécologiques, comme les techniques de cultures en bandes installées sur 2 à 3 ha. L’alternance de différentes espèces favorise la biodiversité et augmente la quantité de prédateurs. Conséquence, la pression sur les ravageurs s’accroît. Pour Philippe Heritier, ingénieur robotique et système de l’Inrae, avec le biocontrôle et la tolérance variétale aux bioagresseurs, « ces nouvelles façons de cultiver constituent l’avenir pour la protection des cultures ». Néanmoins, un changement d’échelle s’opère. Pour de telles pratiques, plus fines, il faut du temps. « On sait qu’avec les robots on va pouvoir travailler la nuit », souligne Stéphane Duran. Se pose aussi la question de l’allotement des graines. « Là encore, les robots ont une utilité notamment en les triant grâce à l’intelligence artificielle », complète Philippe Héritier.

Reste à évaluer l’acceptation de cette autre façon de cultiver. Les travaux de recherche sont aussi appréhendés sous l’angle sociologique en lien avec le laboratoire LAPSCO, Laboratoire de Psychologie Sociale et COgnitive de l’Université de Clermont-Ferrand et du CNRS.

Où en est l’offre de robots pour l’agriculture ?

 

En 2023, selon l’Observatoire du numérique de la chaire AgroTic de Montpellier :

  • 600 robots dédiés aux productions végétales sont en activité contre 100 en 2018
  • 98 % d’entre eux intègrent la fonction de désherbage
  • 2 % sont uniquement réservés à la manutention
  • 47 % sont employés en maraîchage et 42 % en viticulture.

Des robots arrivent en grandes cultures tel le robot Karl de chez Kuhn monté sur chenilles.

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Le manque de main d’œuvre, la pénibilité et la sécurité au travail font partie des raisons qui ont poussé Jean-Luc Picourlat, agriculteur, à créer le rover e-K18 au sein de sa structure Softivert (Softi Rob) : « Le rôle de l’agriculteur n’est pas de conduire un tracteur mais de se concentrer sur le métier d’agronome et de manager ». La machine sème, épand de l’engrais et tracte un pulvérisateur assurant ainsi un désherbage de précision.

Robots électriques, faciliter l’accès à des bornes de rechargement en bout de champ

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Jean-Marie Tyrode, ingénieur territorial chargé de la transition écologique chez Enedis :

« Le rôle du service public est d’accompagner la transition énergétique en parallèle de la transition agroécologique. »

 

Des robots tel le FD20 de Farmdroid sont autonomes en énergie grâce aux panneaux solaires qui recouvrent leur plateforme. Qu’en est-il pour ceux qui fonctionnent sur batteries ? Si les constructeurs proposent des batteries supplémentaires, l’autre option réside dans l’installation de bornes de rechargement en bout de champ. « 80 % des parcelles se situent à moins de 1,5 km d’un réseau de haute tension géré par Enedis, partage Jean-Marie Tyrode, ingénieur chez Enedis. Des tracteurs électriques de 150 chevaux vont bientôt être disponibles. Si on veut accompagner cette mobilité, les matériels doivent pouvoir se recharger en moins d’une demi-heure pour accomplir plusieurs cycles de travail dans les champs sans avoir à revenir à la ferme ». L’offre de raccordement sur le réseau électrique est proposée par Enedis en courant alternatif. Pour les agriculteurs disposant de panneaux photovoltaïques, il est également possible d’utiliser leur production d’électricité dans leur parcelle via l’offre d’autoconsommation collective. Des solutions de recharge rapide en courant continu sont également à l’étude à partir du réseau de distribution public.

Quand le numérique digère la réglementation sur les phytos

Le numérique apporte un bon coup de pouce en intégrant les exigences réglementaires dans les recommandations de traitement des cultures ou en facilitant la traçabilité des pratiques. Bientôt, les informations sur les produits phytopharmaceutiques seront directement lisibles par les API et les machines.

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Le dossier N°1 en termes de complexité pour un agriculteur reste la réglementation, évolutive en permanence. Toutes les étapes de la protection des cultures sont concernées, de l’utilisation des intrants, à la traçabilité des pratiques agricoles jusqu’à l’intégration des exigences environnementales au moment du traitement des cultures. Heureusement, le numérique aide à mieux intégrer ces informations.

« Des logiciels nous indiquent si le traitement programmé sur une parcelle est compatible, autorisé pour la culture et dans quelles conditions, explique Thierry Desforges, agriculteur dans l’Essonne et référent numérique pour la FNSEA. Cela sécurise notre décision. » Utilisateur de la solution KeyField, il souligne l’intérêt du carnet électronique de traitement proposé afin d’assurer la traçabilité de ses pratiques exigée par l’administration.

 

Le carnet de plaine électronique, une simplification administrative ?

Toutefois, le carnet de plaine électronique que souhaite instaurer la Commission européenne à compter de 2024 dans le cadre du règlement sur l’utilisation durable des pesticides (SUR) semble pour Thierry Desforges « à double tranchant ». Réduisant « la paperasserie », évitant la ressaisie des données ainsi que les erreurs et facilitant les statistiques, « il ne faudrait pas que ce carnet génère des contrôles additionnels de la part de l’administration en cas de « bug » dans les logiciels », avertit-il.

Les données peuvent être collectées lors des travaux au champ par des capteurs connectés, émaner des plateformes agronomiques intelligentes afin d’être ventilées dans les interfaces de gestion parcellaires. Celles sur les produits phytopharmaceutiques (dose, délai de rentrée, distance de sécurité…) figureront à partir de 2025 sur l’étiquette numérique intelligente enregistrée dans une base de données en cours de constitution. Nommé Digital Label Compliance, ce projet est l’initiative de CropLife Europe, association des entreprises de protection des plantes.

Ce sont les fournisseurs d’interfaces dédiées à la gestion de l’exploitation tels Atland solutions (SMAG), mesparcelles (Chambres d’agriculture), Géofolia (Isagri) qui transmettront en temps réel à l’administration ces fichiers d’écriture comptable via un tiers de confiance. Ce principe d’intermédiaire numérique neutre a d’ailleurs été proposé dans le cadre du Data Gouvernance Act européen approuvé par le Conseil de l’UE le 16 mai 2022. Ce texte rend par ailleurs obligatoire le consentement préalable à l’usage des data.

 

Vers une norme internationale d’échange des données

Autre défi pour faciliter cette traçabilité : l’interopérabilité entre les data. À l’initiative des États-Unis et de l’Allemagne, un projet de Normalisation ISO avec des standards d’échanges des données a été  lancé cet automne.

Il s’agit d’un travail volontaire international, ouvert à l’ensemble des parties prenantes agricoles qui vise à homogénéiser l’architecture de référence des outils digitaux en agriculture. Il propose un corpus de vocabulaire commun afin de désigner le nom des cultures, les stades de développement, les bioagresseurs… Il évalue aussi la conformité des données agricoles et de leurs échanges. Pour Thierry Desforges, « tout l’enjeu est de maintenir aux catalogues les points clés pour les Européens afin d’éviter la refonte de nos systèmes ». Fin du chantier en 2025 ?

Digital Label Compliance : l’information réglementaire sur une seule application

Pour alimenter automatiquement les interfaces numériques, le projet Digital Label Compliance de CropLife Europe crée une base de données réglementaires et homogénéisées sur les produits phytopharmaceutiques. Toutes les informations indispensables à une protection des cultures pilotée en toute sécurité seront facilement accessibles et partageables.

La réglementation sur l’application des produits phytopharmaceutiques et de bioprotection se densifie fortement. Par exemple, les distances de sécurité établies vis-à-vis des riverains se révèlent différentes selon le classement des produits, mais aussi selon le type de culture, de buse ou de matériel de pulvérisation utilisé. « Cette complexité peut semer la confusion dans l’esprit des agriculteurs d’autant que les sources d’informations s’avèrent multiples, avec des indications parfois différentes, partage Julien Durand-Réville, responsable agronomie digitale pour Phyteis. L’idée du projet Digital Label Compliance est de proposer au même endroit ces informations de façon homogénéisée et de les mettre régulièrement à jour ».

Demain, ces données seront directement transférables sur les interfaces dont celles de gestion parcellaire et de recommandation agronomique. Lues par les machines, elles permettront d’alerter l’agriculteur en temps réel si son pulvérisateur s’approche trop près d’une zone de non traitement (ZNT eau) ou d’une distance de sécurité riverain, directement calculée avec ses cartes parcellaires.

Julien Durand Réville

Julien Durand-Réville, responsable agronomie digitale Phyteis : « La base Digital Label Compliance sera directement consultable via une application, un navigateur web ou tout autre API automatisée qui sera reliée ».

Premiers tests avec des étiquettes numériques pour fin 2023

Trois pays ont été choisis comme expérimentateurs pour ce projet lancé depuis début 2023 : la Roumanie, l’Allemagne et l’Italie. Chacun travaille sur des cultures dédiées. « En cette fin d’année, nous en sommes au recrutement des agriculteurs testeurs et à la conception des versions web des applications, précise Julien Durand Réville. Des premières étiquettes digitalisées en lien avec les cultures pilotes devraient en parallèle incrémenter la base de données. » Le bon usage de ces étiquettes sera évalué courant 2024.

Le projet devrait être déployé plus largement à partir de 2025.

Digital label compliance, l'étiquette numérique intelligente au service de la protection des cultures

Découvrir

Portfolio, le digital en agriculture

À chaque étape du cycle d’une culture, le numérique trouve une application pour conforter l’agriculteur dans ses décisions. En élevage, il aide l’éleveur notamment dans le suivi de la santé et du bien-être de son troupeau. Reportage photos par Sébastien Champion.

PHOTO CONCEPTUELLE AVEC DU BLE TENDRE AU STADE EPIAISON ET DES GRAINS DE BLE TENDRE
AGRICULTEUR ET OUTIL NUMERIQUE POUR GERER SON TROUPEAU
SONDE CAPACITIVE POUR MESURER L HUMIDITE DU SOL DANS UNE CULTURE DE BLE TENDRE D HIVER
AGRICULTEUR CONDUISANT SON TRACTEUR PENDANT UN CHANTIER D APPORT D AZOTE LIQUIDE AVEC UN PULVERISATEUR
JEUNE AGRICULTEUR OBSERVANT LA LEVEE ET LA REGULARITE DE SA PARCELLE DE BLE TENDRE
Indicateurs

Entendu, lu !

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170 soit 37 % des substances actives et de base approuvées par l’UE, sont des moyens naturels d’origine biologique ou des substances identiques à ceux-ci.

65 demandes de première approbation de substances actives sont actuellement en cours d’évaluation (environ 30 entrent dans la catégorie de la protection biologique telle que définie dans la proposition du réglement européen SUR).

Source : Commission Européenne, Étude d’impact complémentaire relative à la proposition de règlement européen encadrant l’usage des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable (SUR) .

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Le réseau Bioeconomy for Change (B4C) qui fédère 500 adhérents, depuis l’amont agricole jusqu’à la mise sur le marché de produits finis, a mis en place un groupe de travail autour des biosolutions. Il regroupe 70 structures. « Le but de ce groupe est de mettre en relation les acteurs pour faciliter les projets collaboratifs », a expliqué Ingrid Bouvart, responsable Innovation bioressources B4C, lors de la journée Campus Phyteis organisée le 6 juin à Paris. Tous les sujets liés à la création de projets innovants sont abordés : décryptage des financements possibles, partages de données de marché, évolutions réglementaires, etc. « Nous voyons émerger cette approche combinatoire, avec de nombreux projets autour de solutions de biocontrôle et d’outils de l’Agtech », a-t-elle complété.

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Alexandre Quillet, président de l’ITB, le 25 octobre lors de l’inauguration du salon Betteravenir (80)

« Les alternatives aux néonicotinoïdes ne sont pas encore suffisamment efficientes pour affirmer que le risque d’impact de la jaunisse soit derrière nous. Le PNRI mérite donc de poursuivre sur sa lancée. »

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Ce n’est pas faute d’avoir tiré la sonnette d’alarme. Les producteurs provençaux de cerises ont perdu près de 40 % de leur récolte cette année. Habituellement, ils produisent 15 000 tonnes de cerises par an, selon les statistiques de la région Sud. Le Vaucluse concentre l’essentiel des vergers. Mais, la météo pluvieuse et chaude de la fin du printemps, a favorisé les attaques de Drosophila suzukii. Cet insecte venu d’Asie cause des ravages depuis plusieurs années. Face à lui, les producteurs sont démunis. « On nous a supprimé toutes les matières actives efficaces contre cette mouche », indique Jean-Christophe Neyron, président de l’AOP Cerises de France et producteur à Malemort-du-Comtat (Vaucluse) (…) « Des producteurs ont préféré ne pas ramasser les fruits, car c’est trop coûteux en charges, enchaîne Jean-Christophe Neyron. Il fallait faire beaucoup de tri, le temps de cueillette a été multiplié par deux. » Si les prix de vente ont augmenté à cause de la faible récolte, ils ont tout juste permis de financer la main-d’œuvre. Face aux incertitudes, des vergers ont disparu au cours des dernières années (…) « Autrefois, nous disposions d’un potentiel de commercialisation supérieur à 1 000 tonnes par an, poursuit le directeur de la Sica. Aujourd’hui, il oscille autour de 800 à 900 tonnes et cette année, il est tombé en dessous de 500 tonnes. » Le ministère a promis des indemnisations ainsi qu’un plan d’action de recherche et d’innovation. Les producteurs réclament de leur côté des solutions de court terme.

Impasse phytosanitaire : les producteurs de cerises en sursis par Chantal Sarrazin, La Franceagricole.fr (20 octobre)

Faits marquants

Retrouvez l’actualité nationale et internationale des adhérents de Phyteis de juillet à octobre 2023.

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Octobre

Les 25 et 26 octobre, près de 10 000 visiteurs français et étrangers ont arpenté les allées du salon Betteravenir à Berny-en-Santerre. Neuf adhérents de Phyteis (Adama, BASF, Bayer, Corteva, FMC, Gowan, Phyteurop, UPl et Syngenta) présentaient leurs solutions combinatoires et innovations pour protéger les betteraves.

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BASF construit une nouvelle usine de bio-fermentation son site de Ludwigshafen, en Allemagne pour la fabrication de solutions de biocontrôle et de produits phytosanitaires. Cette usine produira notamment une matière active insecticide dérivée d’une souche de champignon. La mise en service de l’usine est prévue pour le second semestre 2025.

Corteva Agriscience organise en France pour 2024 son activité Biosolutions après le rachat des sociétés Symborg et Stoller afin de rassembler l’ensemble de son offre.

L’entreprise annonce le lancement de “Place des Agriculteurs”, une plateforme web entièrement dédiée aux agriculteurs. Cet espace centralise toutes les initiatives de Corteva et de sa marque de semences  Pioneer.

Un an après la présentation de son programme Gigaton Carbon Goal en Europe pour décarborner l’agriculture, UPL lance cet automne en France le premier pilote. L’entreprise élabore avec la distribution agricole des itinéraires techniques où les biosolutions ont un rôle à jouer dans l’agriculture bas carbone. UPL vise 15 groupes pilotes d’agriculteurs encadrés par trois à quatre distributeurs ou animateurs de groupe d’ici à quatre ans, soit 30 000 ha couverts par ce programme.

Le 16 octobre, lors du 6e Congrès international du riz qui s’est tenu à Manille aux Philippines, Bayer a annoncé le lancement d’un système agricole fondé sur le semis direct de riz. Par rapport à la culture du riz repiqué, cette technique réduit jusqu’à 45 % l’utilisation d’eau et  les émissions de gaz à effet de serre et jusqu’à 50 % la dépendance à l’égard de la main-d’œuvre.

En France, Bayer a ouvert le 12 octobre La Communauté agricole, plateforme digitale collaborative à destination des acteurs agricoles. Elle propose du contenu multimédia et est portée en partenariat avec des entreprises de l’agrofourniture, du numérique, du matériel agricole et des marchés  : Yara, France Pulvé, Monosem, Seabex, Xfarm, Sencrop, Boursagri.

 

Septembre

Barrane Cholat Négoce Up

Le 8 septembre, remise des prix du Challenge Negoce’UP sur le stand du groupe Carré, lors de l’événement Terre de Jim à Cambrai (59). Syngenta est l’un des partenaires de ce trophée qui récompense des projets innovants, impliquant un tandem « négoce et start-up ». Le premier prix a été décerné au projet de partenariat entre Via Végétale et les Ets Leplatre (45) pour un biostimulant des légumineuses. VeraGrow et les Ets Martignon (18) ont reçu le deuxième prix pour un projet de valorisation des biodéchets en un produit biostimulant. La troisième place a été attribuée à un outil de pilotage de la transition agricole porté par FarmLeap et le Groupe Bernard (01).

 Syngenta renforce son intérêt pour les produits biologiques dans le traitement des semences avec l’ouverture de son premier centre de service de produits biologiques au Seedcare Institute de Maintal en Allemagne.

 

Août

Gowan Company annonce la finalisation de l’achat d’Isagro S.p.A.  Avec cette acquisition, Gowan ajoute plusieurs substances actives à son portefeuille, notamment l’hydroxyde/oxychlorure de cuivre, le tétraconazole et le kiralaxyle.

Bayer investit 220 millions d’euros dans la recherche et le développement (R&D) sur son site de Monheim en Allemagne. Il s’agit du plus important investissement de l’entreprise dans son activité de protection des cultures en Allemagne depuis la création du campus de Monheim en 1979. Le nouveau complexe doit développer la prochaine génération de produits phytopharmaceutiques.

 

Juillet

Le groupe De Sangosse annonce son entrée au capital de Pertinent Eco-solutions et acquiert la licence exclusive européenne de ses spécialités insecticides et acaricides. Pertinent Eco-solutions élabore des produits insecticides naturels à partir de certains extraits de plantes.