édito

Créons une onde de force pour déployer l’innovation

Pour Dominique Chargé, président de La Coopération Agricole, la protection des cultures est intrinsèquement liée aux enjeux de souveraineté alimentaire et d’agroécologie : 400 000 méthodes combinatoires sont à inventer ! Soit autant que d’agriculteurs adhérents aux coopératives agricoles ! Face aux contraintes climatiques et agronomiques des terroirs, aux impasses techniques, aux exigences environnementales des cahiers des charges, pour ajuster chaque itinéraire technique, c’est une vague d’innovations qui doit s’abattre sur l’agriculture française dans les dix prochaines années. Le digital, la bioprotection et les biotechnologies ouvrent d’importantes perspectives en complément de la phytopharmacie.

Souveraineté alimentaire et qualité

Pouvoirs publics et consommateurs ont pris conscience de la ligne rouge à ne plus franchir pour conserver notre agriculture. Essentielle à l’économie des territoires, destinée aux marchés locaux ou à l’exportation, elle est avant tout, pour les Français, le gage d’une alimentation de qualité, sécurisée.

Le plan Écophyto 2030, annoncé cet été, sera l’opportunité de rassembler toutes les parties prenantes afin de créer cette onde de force. Un cadre réglementaire facilitant les projets collaboratifs entre les acteurs d’horizons scientifiques et technologiques complémentaires doit en être la clé de voûte.

Emmanuelle Pabolleta

Directrice générale de Phyteis

Démarche collective

Contrat de Solutions : marquer autrement les esprits pour prévenir les risques phytos

Escape game, quiz, sketchs… L’innovation gagne les méthodes d’apprentissage pour sensibiliser les agriculteurs aux risques chimiques. Suivez le groupe de préventeurs du Contrat de Solutions lors d’une journée de formation organisée par l’un des adhérents de cette association : Axe Environnement.

Prévention des risques phytosanitaires, des jeux, des ateliers et des inventions technologiques

Des acteurs de la prévention des risques phytos, représentants de la MSA (Mutualité sociale agricole), d’entreprises de protection des cultures, d’A.D.I.Valor (éco-organisme de collecte des déchets de l’agrofourniture), ainsi que de la Fédération du négoce agricole, se sont retrouvés les 19 et 20 mars chez Axe Environnement, à Romilly-sur-Seine dans l’Aube. Ces partenaires du Contrat de Solutions ont participé à une formation innovante conçue par le fabricant d’équipements, lui aussi adhérent à cette association nationale.

L’objectif des membres du collectif « Tous ensemble pour la prévention des risques phytos » est d’apporter toujours plus de créativité dans leur campagne de communication. Leur recette : du jeu, de l’interaction et un ton décalé ! Ainsi, le jeu constitue le fil conducteur de la formation Axe Environnement. De l’aveu de Fabien Vermot-Desroches, directeur développement de l’entreprise : « C’est le meilleur moyen de préconiser un équipement ou de parler protection de l’environnement ».

Le groupe de préventeurs a aussi identifié de récentes inventions technologiques pour accroître la sécurité des opérateurs lors de la manipulation des produits phytosanitaires.

Guides bioagresseurs

La tavelure du pommier, maladie complexe à gérer

La tavelure du pommier émerge dès l’éclosion des bourgeons avec la hausse des températures et l’humidité. Une phase de contaminations primaires se déroule jusqu’à la formation des fruits. L’objectif de la protection phytosanitaire est de ne pas avoir de « repiquages », c’est-à-dire de contaminations secondaires, qui pourraient « exploser » sur fruits pendant l’été à la faveur des pluies. L’autre enjeu est de gérer la résistance des souches de Venturia inaequalis vis-à-vis des fongicides à mode d’action unisite et de réduire autant que possible l’Indice de fréquence de traitement grâce au digital et au biocontrôle.

ARTICLE 1 - INTRO

En 2023 : moins de traitements fongicides grâce au digital

L’évaluation du risque tavelure avec les outils d’aide à la décision (OAD) optimise le positionnement des fongicides préventifs, en bio comme en conventionnel. Selon des expérimentations menées par l’Association nationale pommes poires (ANPP), en année de faible pression maladie comme en 2015, quatre traitements ont été économisés grâce à l’OAD RIMPro.
Les autres leviers efficaces pour gérer la maladie résident dans la phytopharmacie, la pulvérisation de qualité, le biocontrôle et la prophylaxie avec la destruction des feuilles à l’automne. La plantation de variétés de pommiers tolérantes s’accélère, même si des cas de contournement par des souches de tavelure sont apparus.

Protection des vergers de pommiers contre la tavelure en 2023

VDEF

Phytopharmacie à sécuriser

« La perte des substances pivots pour protéger les pommiers contre la tavelure conduirait la filière dans une impasse technique, avertit Marie-Noelle Tanné, ingénieure Solutions agro-écologie Syngenta. Pour les producteurs, les fruits tachés représentent un manque à gagner car leur transformation en jus est nettement moins bien valorisée que leur commercialisation sur le marché du frais. »
Hormis le cuivre, candidat à la substitution, il ne reste que deux autres fongicides multisites pour gérer la résistance des souches de tavelure aux fongicides systémiques unisites. Par ailleurs, l’alternance des modes d’action reste essentielle pour prévenir le risque de résistance. Quant aux solutions de biocontrôle, des pistes sont identifiées mais restent à expérimenter par les arboriculteurs afin de bien les insérer dans les programmes. « Avec la période de flambée de l’énergie, ce sujet est moins prioritaire en 2023 », partage-t-elle. Son entreprise travaille sur un produit à base d’extraits de carapace de crustacés et de pectines de fruits.

Les principaux groupes de familles chimiques disponibles en 2023 pour la protection des pommiers contre la tavelure

Produits de contact à mode d’action
« multisite »
Produits à mode d’action
« unisite »
Biocontrôle et/ou utilisables en AB composés de minéraux, d’extraits végétaux… Substances de base
Ils contiennent les substances dites
« pivots », base de la stratégie de protection
Souvent utilisés en association avec un produit de contact Biocontrôle et/ou utilisables en AB composés de minéraux, d’extraits végétaux… Substances de base
Phtalimides : captane (préventif) Inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI) : fluopyram, fluxapyroxade, penthiopyrade Soufre, bicarbonate de potassium, bouillie sulfocalcique… Talc, concoctions de saule, de prêle, d’ortie, bicarbonate de sodium
Quinones : dithianon (préventif et effet stop) Anilinopyrimidines (ANP) : cyprodinil, pyriméthanil Stimulateurs de défenses naturelles : algues (laminarine) phosphonate de potassium
Cuivre (utilisable en agriculture biologique) Strobilurines ou Qols : krésoxim-méthyl, trifloxystrobine
Triazoles (groupe I des inhibiteurs de la biosynthèse des stérols) : difénoconazole, mefentrifluconazole
Guanidines : dodine

En 2030

  • Variétés de pommiers avec plusieurs gènes de résistances.
  • Prophylaxie renforcée pour éviter la reproduction de la tavelure avec des solutions de dégradation rapide des feuilles.
  • Croisement stérile de souches de tavelure dans le cadre du projet de l’Inrae « Enfin ! » avec deux inventions brevetées. Si ce croisement aboutissait au stade industriel, ce serait une révolution, évitant ainsi d’intervenir drastiquement au printemps avec des fongicides. Son principe : lors de la reproduction à l’automne, les souches de la tavelure du pommier, croisées avec celles d’une plante ornementale le pyracantha (à appliquer) donne une génération non pathogène pour le pommier.
  • Solutions de biocontrôle issues d’extraits animaux ou végétaux.
  • Suivi de la pression grâce au digital (dPCR) avec des outils d’aide à la décision de plus en plus précis.

 

Xavier Le Clanche, responsable technique, Association nationale pommes poires (ANPP)

« Éviter la résistance, c’est le nerf de la guerre face à un champignon qui évolue et s’adapte facilement »

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Des contournements de l’action des fongicides « unisites » par les souches de Venturia Ineaqualis imposent de les associer avec des fongicides de contact « multisites ». Néanmoins, la catégorie de ces fongicides qualifiés de « pivots » se réduit considérablement avec peu ou pas d’alternatives durables.

Protéger les pommiers contre la tavelure avec des fongicides est toujours une question de cadence qu’il faut tenir jusqu’à la récolte pour éviter l’installation des contaminations primaires du champignon sur les feuilles et les fruits. Un paramètre clé entre en ligne de compte : la plasticité des souches de Venturia Ineaqualis. « Des contournements de fongicides pénétrants au mode d’action unisite appartenant aux familles des triazoles, strobilurines, Qol et ANF sont apparus, partage Xavier Le Clanche, responsable technique de l’Association nationale pommes poires (ANPP). L’efficacité de ceux de la famille des SDHI, translaminaires, est aussi à préserver. Moins sensibles au lessivage, ces fongicides pénétrants sécurisent la protection des organes en formation lors des pluies et agissent plus longtemps. Leur particularité ? Ils ne visent qu’une seule fonction biologique du champignon. Tous ont donc besoin d’être associés au sein d’un programme qui inclut un fongicide de contact « bouclier » car « multisite* » pour préserver leur efficacité. « L’alternance des modes d’action, toujours à pratiquer, ne suffit pas à contenir le risque de résistance, prévient l’expert. Seuls les fongicides multisites compliquent l’apparition de la résistance ; ils constituent donc le socle des programmes de traitement des pommiers pendant cette période clé des contaminations primaires ».

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Si le nombre de combinaisons autorisées pour les fongicides systémiques apparaît important, on ne peut les utiliser qu’avec des substances de contact multisites pour éviter la résistance des souches de tavelure.

Xavier Le Clanche, responsable technique, Association nationale pommes poires (ANPP)

Baisse du nombre d’associations possibles entre fongicides de contact et pénétrants

Néanmoins, depuis le retrait du mancozèbe de la phytopharmacopée en 2021, les arboriculteurs ne disposent plus que de deux substances multisites, le dithianon et le captane, comme base pour gérer le risque de résistance. Applicables chacun au maximum six fois par saison, les possibilités de combinaison avec les produits pénétrants sont réduites alors qu’en moyenne une vingtaine de passages peuvent être nécessaires pour récolter un fruit sans tache ni rugosité. La bouillie sulfocalcique, peu sensible au lessivage, à l’effet « stop » est une alternative efficace. Cependant, Xavier Le Clanche estime que son utilisation reste fragile, y compris en bio, car elle dépend du dispositif des dérogations 120 jours pour obtenir une autorisation, laquelle est réexaminée chaque année. Quant au cuivre, alternative en début de cycle, il est aussi candidat à la substitution.

Le réseau R4P (Réseau de réflexion et de recherche sur les résistances aux pesticides) a élaboré la liste des cas de résistances aux produits de protection des plantes détectés en France.

Usage du captane en réévaluation

Le dithianon et le captane sont toujours en cours de renouvellement. Le processus de renouvellement du captane est plus avancé, mais la Commission européenne propose une restriction d’usage qui écarterait la molécule des vergers « Si l’utilisation du captane devient limitée à la seule culture en serre tel que le suggère la Commission, c’est très préoccupant pour la filière », partage Xavier Le Clanche. Les producteurs et les experts de la filière ont déjà averti l’autorité. La société Adama fait partie des entreprises qui soutiennent le dossier. Des ajustements d’utilisation du fongicide sont proposés. Une baisse des quantités par hectare et/ou un délai allongé entre deux applications ainsi que des mesures de gestion du risque optimisant les méthodes d’application permettraient de conserver le captane pour gérer le risque de résistance en début de cycle. Ainsi, son efficacité ne serait pas trop diminuée.

Par ailleurs, en réduisant le nombre de solutions phytopharmaceutiques, les arboriculteurs sont contraints d’accroître la pression d’utilisation sur celles restantes. « Une telle stratégie n’est pas durable », prévient Xavier Le Clanche.

* Multisite signifie que la substance active cible plusieurs processus biochimiques du champignon, lesquels mobilisent des enzymes (chaîne respiratoire, membrane cellulaire, division des cellules…).

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La tolérance variétale, levier en déploiement

70 % des surfaces de pommiers en France appartiennent aux adhérents de l’ANPP et sont labellisés Vergers écoresponsables. « Lors du renouvellement des vergers, on note, depuis cinq ans, une accélération des plantations avec des variétés dites tolérantes à la tavelure telles Juliet, Regal You, Story Innored, Dalinette, Opal ou Swing, partage Xavier Le Clanche de l’ANPP. Elles représentent alors 40 % des nouvelles plantations et cumulent plus de 15 % des surfaces des Vergers écoresponsables en 2023. Il y a 20 ans, nous n’avions quasiment que la pomme Ariane. »

Néanmoins, le levier variétal a montré ses limites avec l’apparition de situations de contournement quasi généralisées en France, selon Inrae. Pour Xavier Le Clanche, « l’idée n’est pas de multiplier les gammes tolérantes, car il faut que le nombre de références reste raisonnable pour figurer sur les étals de la grande distribution, mais de travailler sur plusieurs gènes afin de renforcer la tolérance ».

Anne Duval-Chaboussou, ingénieure de recherche au CTIFL La Morinière

« Correctement positionnées, des solutions de bioprotection révèlent de bons niveaux d’efficacité contre la tavelure »

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Au CTIFL La Morinière, en Indre-et-Loire, les solutions de biocontrôle et les substances naturelles sont à l’épreuve des pics de contamination des pommiers par Venturia inaequalis, champignon responsable de la tavelure. Un outil d’aide à la décision, une qualité de pulvérisation irréprochable et des associations avec du soufre et la bouillie sulfocalcique constituent la base du raisonnement en vergers bio.  

La mission d’Anne Duval-Chaboussou, ingénieure de recherche au Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) La Morinière (37) est d’évaluer en vergers bio comme en production fruitière intégrée (PFI) l’efficacité et les conditions d’emploi optimum des solutions alternatives aux fongicides conventionnels, en particulier pour les produits candidats à la substitution au niveau européen. Le raisonnement reste le même, quelle que soit la solution : « Du débourrement à la floraison, la protection contre la tavelure doit être efficace, sinon la maladie sera difficile à maîtriser jusqu’à la récolte », introduit-elle. Dans ce cadre, seul le niveau de risque, évalué avec l’outil d’aide à la décision RimPro ou Fruitweb et à partir des données météo communiquées par la station localisée sur le site du CTIFL La Morinière, guide le positionnement des solutions alternatives.

Bouillie sulfocalcique, soufre et bicarbonate de potassium

Pour bloquer les sporulations primaires, la bouillie sulfocalcique, substance toutefois soumise au dispositif des dérogations 120 jours, révèle une très bonne efficacité : « En curatif, elle peut même remplacer des fongicides qui pourraient rencontrer des résistances ». Autre option identifiée pour un usage en préventif, plutôt à la floraison : le soufre, seul ou associé avec du bicarbonate de potassium. « Cette association entre de plus en plus dans les stratégies de protection fruitière intégrée, explique Anne Duval-Chaboussou. On peut même moduler les doses en fonction du risque de maladie car cette solution est jugée efficace. Son application est possible lors de pics moyens voire de moyennes contaminations. Ensuite, par sécurité, ou en cas de lessivage important, une application de bouillie sulfocalcique reste recommandée ».

Pas d’alternatives au cuivre vraiment efficaces

Inscrit dans la liste des molécules à substituer, le cuivre, utilisable en AB, trouve sa place en début et fin de cycle des contaminations primaires. En conventionnel, il offre la possibilité de baisser l’IFT à 0,3 en diminuant la dose selon le niveau de pression maladie. Des alternatives à cette substance minérale sont explorées comme les substances de base composées de décoction de prêle et des infusions de saule. « On travaille à améliorer l’extraction des composés afin d’en accroître l’efficacité, complète Anne Duval-Chaboussou. Cependant, leur coût reste un frein ». Parmi, les autres pistes : l’huile d’origan et celle de clous de girofle. Elles pourraient être intéressantes agronomiquement mais pas du point de vue économique, selon l’ingénieure.

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En cas risque de lessivage important des produits type soufre ou si une forte contamination se déclare derrière ces applications, un traitement curatif avec la bouillie sulfocalcique sécurise la protection des pommes en bio.

Carnets

Sciences – Plantes à traire : de l’innovation plein les radicelles !

Si les racines cachent habituellement bien leur jeu sous terre, chez Plant Advanted Technologies, elles sont à l’honneur ! Selon les espèces, ces racines fabriquent des substances naturelles capables de lutter contre les bioagresseurs. Les chercheurs étudient attentivement cette partie de la plante pour y déceler des molécules aux propriétés herbicide, fongicide ou insecticide. Et pour passer du laboratoire à la production à grande échelle, l’entreprise a recours, en interne, à l’ingénierie des métabolites. Là, ce sont les enzymes qui prennent le relais.

Rencontre avec Frédéric Bourgaud, directeur de cette société innovante de biotechnologies localisée à Nancy et inventeur du procédé des « Plantes à traire », Sissi Miguel, directrice scientifique de Cellengo, filiale de PAT, et Thomas Regnault, ingénieur en R&D. Ils expliquent toutes les étapes du processus de recherche et d’élaboration de ces solutions de bioprotection et de biostimulation prometteuses pour l’agriculture ainsi que les défis à relever.

Pratiques – Pherodrone, une révolution technologique pour déployer le biocontrôle

Grâce aux lâchers par drone de dispositifs de confusion sexuelle sur la cime de grands arbres, plus de 800 ha de vergers de noyers, pommiers et châtaigniers sont protégés en 2023 contre le carpocapse. Les poses fastidieuses des diffuseurs avec de longues cannes appartiennent donc au passé. Cette alliance commerciale et technologique entre la start-up Agri.builders et l’entreprise de protection des cultures Sumi-Agro accélère l’adoption de cette solution de biocontrôle. Dans la majorité des cas, les agriculteurs n’auront plus à appliquer d’insecticide.

Rencontre avec Estelle Achard, nucicultrice, Antoine Boudon et Alexis Trubert, cofondateurs d’agri.builders, ainsi qu’avec Pauline Creton de Sumi-Agro, le 26 avril à Montagne dans la Drôme, jour de pose des filets de phéromones. L’opération a reçu le soutien de la Sica des producteurs de noix et de la coopérative Valsoleil. Brevetée, la technologie Pherodrone est une exclusivité mondiale… et une fierté. Nouvel objectif ? Viser plus haut et dans d’autres pays !

Pratiques – Désherb’Avenir : plus vite et au plus près des betteraves !

Sur le salon du désherbage organisé par l’Institut technique de la betterave (ITB) les 16 et 17 mai à Santeau dans le Loiret, les machines ont travaillé au ras des betteraves et de façon plus précise. Grâce aux systèmes de guidage, RTK ou par caméra ainsi qu’à l’intelligence artificielle, les chantiers gagnent en rapidité et performance.

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Des machines de plus en plus sophistiquées pour réduire l’Indicateur de fréquence de traitement (IFT) herbicides : telle est la tendance de la 8e édition de Désherb’Avenir, le rendez-vous bisannuel du désherbage mécanique. Désormais, 30 % à 70 % de baisse de l’IFT sont obtenus. Bineuses, herses étrilles, solutions de désherbage mixte, robots et pulvérisateurs avec application localisée témoignent avant tout de la complémentarité entre les solutions pour obtenir un désherbage efficace.

Pulvérisation en localisé possible avec des rampes de grandes largeurs

En pulvérisation, la tendance réside dans un positionnement des herbicides plus précis et à plus grande échelle : « Aujourd’hui, on sait localiser l’herbicide avec des pulvérisateurs de 36 mètres de large qui avancent à grande vitesse à près de 10 km/h contre 18 mètres auparavant à une vitesse de 5 à 6 km/h », témoigne Ghislain Malatesta, directeur du département expérimentation et expertise régionale à l’ITB.

Quant à l’ultra-localisé, il reste destiné aux adventices volumineuses tel le chardon qui se repèrent facilement à l’aide de l’intelligence artificielle. « En betterave, on effectue plutôt des passages sur des très jeunes adventices au stade cotylédon voire point vert. L’intelligence artificielle sur du matériel de grande envergure ne sait pas les discerner, souligne Ghislain Malatesta. Néanmoins, l’agronome se montre confiant : « Les constructeurs travaillent sur ce point, cela devrait déboucher à court terme ».

Caméras ou technologie RTK pour guider le travail

L’approche « bas intrants » la plus efficace réside dans la combinaison entre la chimie et la mécanique : l’herbicide est positionné sur le rang et la bineuse intervient en inter-rang. « Le tout mécanique se révèle compliqué lorsque les conditions météo sont humides », complète Ghislain Malatesta. Néanmoins, le désherbage mécanique est de plus en plus considéré comme une solution à part entière en raison du progrès technologique obtenu. Pour mieux guider le travail entre les betteraves et jusqu’à ce que le rang soit recouvert, près de la moitié des bineuses en démonstration sont équipées de caméras, telles celles d’Agronomic, entreprise de l’Aisne, ou des constructeurs Einböck, Kult… Elles repèrent les rangs afin de corriger la position de la bineuse. Des solutions de portabilité des dispositifs de guidage sont aussi proposées. Selon les matériels, les interventions se font plus ou moins précocement. « Les herses étrilles peuvent attaquer tôt le désherbage à un stade 2 feuilles de la betterave et sur des adventices très fines », précise Ghislain Malatesta.

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Ghislain Malatesta, directeur du département expérimentation et expertise régionale à l’ITB : « En pulvérisation, le positionnement plus précis des herbicides sur les adventices est possible avec des matériels en grande largeur de travail et qui avancent à très grande vitesse. »

Désherb’Avenir, démonstration robot FD 20 FarmDroid

Le robot « désherbeur et semeur », FD 20 FarmDroid, conçu pour le maraîchage, a été adapté par une famille de planteurs de betteraves danois. La machine reconnaît la position de la plante grâce à l’enregistrement par GPS au moment du semis. Ses couteaux passent alors entre les plantes pour détruire les jeunes adventices.

Réglementaire – Décryptage des principaux textes et projets législatifs en Europe et en France

Glissement d’agenda pour la présentation par la Commission européenne des projets de règlement relatif à l’usage durable des pesticides (SUR) et sur les nouvelles techniques d’édition génomique. En France, l’actualité est marquée par les travaux sur le Plan Écophyto 2030 et la fin de la concertation pour l’élaboration du Pacte et de la loi d’orientation et d’avenir agricoles (PLOAA).

Europe

Règlement SUR (Sustainable Use Regulation) : report en 2024 ?

La probabilité de boucler le projet de règlement concernant l’utilisation durable des pesticides (SUR) en 2023 est faible. Il ne figure pas parmi les dossiers que la présidence suédoise du Conseil de l’Union européenne estime pouvoir clôturer le second semestre. La présidence a présenté une série de propositions sur différents articles techniques du projet de règlement (articles 20 à 28). Les données complémentaires sur l’impact de la législation demandées à la Commission européenne expliquent en partie le glissement de l’agenda. Présenté en juin 2022, le projet de règlement SUR (2022-0196) met en œuvre la stratégie « De la ferme à la table » du Pacte vert européen.

Tests abeilles, le protocole d’évaluation des produits phytopharmaceutiques est finalisé

 Le document d’orientation sur l’évaluation des risques liés aux produits phytopharmaceutiques pour les abeilles mellifères, les bourdons et les abeilles solitaires a été publié le 11 mai par l’Efsa. Amorcé en 2013, ce travail de refonte prend en compte les dernières connaissances scientifiques ainsi que les méthodologies les plus récentes pour l’évaluation des risques.

L’évaluation du risque d’exposition et de l’effet sur les abeilles des substances phytopharmaceutiques est programmée en deux étapes (ou rangs) pour affiner les résultats. Sept tests sont retenus. Tous les produits sont soumis aux tests de rang 1 en laboratoire sur des individus isolés (la toxicité aiguë orale et par contact sur adulte, la toxicité chronique orale pour les abeilles adultes, la toxicité chronique pour les larves). Deux autres tests portent sur la toxicité aiguë par oral et par contact des bourdons (non obligatoire en Europe  mais en France). Pour affiner l’évaluation et si besoin, des tests de rang 2 sur des colonies entières sont programmés en conditions naturelles ou semi-naturelles. Ainsi, le test de retour à la ruche complète le test sous tunnel qui existait avant 2013. Pour les insecticides et acarides, les tests de rang 2 sont obligatoires.

Résidus de pesticides, 96,1 % des aliments conformes à la réglementation

Dans son rapport sur la sécurité des aliments publié le 26 avril, l’Efsa constate que 96,1 % des échantillons de produits alimentaires analysés dans les 27 pays de l’UE ainsi qu’en Norvège et en Islande sont conformes à la réglementation. Cela signifie qu’ils ne dépassent pas la limite maximale de résidus (LMR). Les contrôles ont été établis sur 87 000 échantillons de produits alimentaires. Le niveau de quantification est constant puisqu’il était de 94,9 % en 2020 et de 96,1 % en 2019.

Classification, étiquetage et emballage

La Commission a publié le 31 mars 2023, le règlement (UE) 2023/707 qui modifie le règlement (CE) n° 1272/2008. Ce règlement instaure de nouvelles classes et critères de dangers. Il est entré en vigueur le 20 avril 2023.

Cadre législatif sur l’édition du génome   

Initialement prévue le 7 juin, la présentation du cadre législatif sur les nouvelles techniques d’édition génomique (NGT) par la Commission européenne est décalée. Les raisons ? L’étude d’impact réalisée par la Commission doit être retravaillée suite à un avis négatif du comité d’examen de la réglementation (RSB).

Le texte doit définir le cadre spécifique de l’évaluation du risque pour les plantes issues de mutagénèse dirigée (édition du génome) et de la cisgénèse.

France

Plan Écophyto 2030, les filières planchent pour éviter les impasses techniques

Lancement le 2 mai, par le Gouvernement, du chantier de planification écologique sur les produits phytopharmaceutiques. Ce plan doit anticiper le possible retrait de substances actives en lien avec le calendrier européen et cibler les usages les plus menacés. En parallèle, il doit faciliter le développement de solutions alternatives efficaces pour la protection des cultures et identifier celles qui pourront bénéficier du programme France 2030. Ces travaux préfigurent l’élaboration d’un des volets Plan Écophyto 2030 attendu pour septembre. Il a été annoncé le 27 février lors du Salon de l’agriculture par Élisabeth Borne. Le groupe de travail mené par la Direction générale de l’alimentation du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire rassemble les représentants des filières agricoles et des interprofessions agricoles, Inrae, Cirad, l’Anses, les instituts techniques et différentes directions du ministère de l’Agriculture. Sept filières sont concernées : les grandes cultures, les fruits et légumes, les plantes aromatiques et médicinales, la vigne, l’horticulture, les semences, les filières ultramarines et un groupe transversal sur les productions biologiques.

Pacte et de la loi d’orientation et d’avenir agricoles (PLOAA)

La phase de concertation des parties prenantes du Pacte et de la loi d’orientation et d’avenir agricoles (PLOAA) s’est clôturée le 20 avril. Le volet protection des cultures est abordé par le groupe de travail agroécologie et changement climatique. Parmi les propositions du secteur à faire figurer dans le pacte :  associer les efforts de recherche et développement des entreprises du secteur de la protection des cultures à ceux des instituts et laboratoires de recherche publics. Pour les appels à projets, un guichet unique conjugué à une meilleure visibilité quant aux conditions d’éligibilité des entreprises privées représenteraient un réel gain en termes d’efficacité.

Liste des produits de biocontrôle

Publication au Bulletin officiel du 8 avril de la liste des produits de biocontrôle autorisés en agriculture.

Retrait du S-métolachlore

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation de l’environnement et du travail (Anses), a retiré, le 20 avril, l’autorisation de mise sur le marché de quatre herbicides composés de S-métolachlore. Pour cinq autres, les retraits concernent des usages (maïs, tournesol, soja, haricots…). L’interdiction prend effet au 20 octobre 2023 pour la vente et la distribution, et au 20 octobre 2024 pour l’utilisation des stocks détenus par les agriculteurs.

Liste des usages phytopharmaceutiques concernés par une distance de sécurité de 10 m

Publication au Bulletin officiel du 6 avril de la liste des usages phytopharmaceutiques avec une distance de sécurité riverain (ou zone de non-traitement riverain) de 10 mètres. Les 1 174 usages recensés correspondent à 143 autorisations de mise sur le marché. La distance de sécurité de 10 mètres non réductible pour les produits phytopharmaceutiques classés CMR2 a, quant à elle, fait l’objet d’un arrêté le 14 février 2023. Celui-ci a été publié au Journal officiel du 21 mars 2023.

Dossier

Filières alimentaires, l’AgroLocalogie rassure

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Assumons les néologismes ! L’agroLocalogie, assemblage de l’agroécologie et de la production locale, révèle la consistance des cahiers des charges des entreprises agroalimentaires. En associant le « respect de l’environnement » et le « terroir », industriels comme artisans reconnectent les agriculteurs aux consommateurs.

Labels de qualité, certifications environnementales, référentiels agroécologiques ou de l’agriculture régénératrice sont de plus en plus valorisés, tel le modèle soutenu par Nestlé France dans son programme Sols Vivants. Grâce à la contractualisation, la transition agricole est sécurisée, le consommateur rassuré… Le label Qualité filière Rhône-Alpes du meunier François Cholat dans l’Isère illustre parfaitement cette tendance.

Néanmoins, du fait de l’inflation sur les produits alimentaires, notée en avril à 16,7 % sur un an, le contenu du panier n’est plus le même : moins de viande, plus de fruits et de légumes importés et cultivés hors nos frontières… Le prix mène la danse : il guide d’achat, le contraint même. En revanche, les études le prouvent, les consommateurs veulent toujours des produits locaux, sains et être acteurs de la lutte contre le changement climatique. C’est d’ailleurs le cap suivi par les filières. À l’instar de La Coopération Agricole, elles demandent une planification pour accroître la compétitivité de la ferme France tout en intégrant les dimensions sociale et environnementale. Indissociable de ces questions, l’enjeu de productivité revient sur le devant de la scène. Les filières misent sur l’innovation en protection des cultures. Pour sortir des impasses techniques en fruits et légumes, des partenariats se nouent entre industriels, structures de recherche publiques et privées, organisations de producteurs. Enfin, pour opérer à moindre risque la transition agroécologique, l’accompagnement des agriculteurs se conçoit sur mesure, au plus près des contraintes locales. Une définition plus sociologique de l’agroLocalogie ?

Entretien avec Dominique Chargé, président de La Coopération Agricole

« Nous avons besoin de plus de planification sur les quantités et la qualité à produire ! »

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Pour assurer la souveraineté alimentaire, accrocher la notion de valeur à l’alimentation, transformer les modèles de production agricole en lien avec les défis climat et biodiversité, la période est charnière.

Présentes sur toutes les filières agricoles, captant 40 % des parts de marché de l’agroalimentaire, les coopératives agricoles possèdent une place à part, statutairement connectée à l’activité locale agricole. Comment s’adaptent ces entreprises ? Quelles sont leurs attentes en termes d’innovations ? Pour Dominique Chargé, président de La Coopération Agricole, l’approche du marché doit être planifiée selon les attentes sociales et sociétales, aidée par le numérique. Quant à l’accompagnement des agriculteurs pour protéger les cultures, le mot d’ordre est : 400 000 méthodes combinatoires sont à inventer !

Les enjeux de souveraineté alimentaire, de changement climatique et de transition écologique, ont-ils rebattu les cartes en termes d’exigences de vos clients sur les moyens de production ?

Dominique Chargé : Les défis actuels incitent à remettre du sens dans l’alimentation. Nos entreprises ne sont pas délocalisables et nos salariés se sentent impliqués dans l’esprit coopératif, lequel vient du territoire. Inscrit dans la durée, notre engagement est de perpétuer mais aussi de renouveler et d’adapter la coopération. C’est cet axe local que recherchent nos clients transformateurs et distributeurs que ce soit dans la gestion de nos productions connectées à l’activité agricole ou pour la communication sur nos marques. À la relocalisation de l’alimentation s’ajoutent les volets social et sociétal. Social, dans le cadre de la juste rémunération des agriculteurs ; sociétal, car nous sommes pourvoyeurs de bien-être collectif. Le citoyen voyage à travers nos exploitations. Nous sommes capables d’apporter toutes les réponses aux grands enjeux avec la priorité donnée au climat et à la biodiversité. Par exemple, nous avons des demandes liées à la non-déforestation en lien avec les solutions alternatives au soja pour nourrir les animaux. Je produis du poulet Label rouge qui garantit le plein air, une densité réduite d’animaux, une alimentation avec des céréales, sans OGM,… mais ces critères ne suffisent plus. Le consommateur-citoyen me demande aussi de réduire mon empreinte carbone et de développer la biodiversité…

La segmentation de l’offre s’accentue-t-elle ?

D.C : Dans tous les cas, nous observons une fragmentation de l’offre, de plus en plus difficile à tenir. Elle expose le monde agricole à des prises de risque grandissantes. L’exemple le plus flagrant est certainement celui du bio. Plus de 750 de nos coopératives collectent et transforment des productions en filière AB et nous sommes leader en volaille bio. Néanmoins, le consommateur s’en détourne pour choisir du local, pour adopter une démarche qui fait sens comme déjà évoqué et également des produits « sans ».  Pour beaucoup de personnes, le « sans » est connecté à la santé et on voit de plus en plus d’allégations « sans résidus de pesticides », « sans OGM ». Sur ce terrain, des produits prennent des parts de marché bio. La crise sanitaire Covid-19 a été un marqueur fort auquel s’ajoute plus récemment la question du prix en lien avec l’inflation qui impacte tous les produits. Le bio doit être accessible en termes prix mais on atteint une limite. Le bio ne souffre pas de problème d’image, mais le local véhicule aussi des critères rassurants : produit sûr, sain et de qualité.

Comment redynamiser le bio ?

D.C : L’urgence est de renouer avec la compétitivité, stabiliser la filière et de ne plus convertir. Quand on ne vend plus ses poulets bio et qu’on les introduit dans le circuit conventionnel, le gap économique est violent. Qui doit payer alors ? Actuellement, la solidarité inter-filières qui fait partie de l’ADN des coopératives permet de compenser. La solution ? Elle réside peut-être dans plus de flexibilité dans les moyens de productions en AB.

Des modèles agricoles fondés sur l’agroécologie se déploient plus largement. Un axe prioritaire se dessine-t-il ?

D.C : La Coopération Agricole ne va pas engager ses adhérents dans une démarche plutôt qu’une autre, que ce soit l’agroécologie, l’agroforesterie ou l’agriculture régénératrice. Toutes témoignent d’une transformation des modèles de productions pour mieux prendre en compte les enjeux de biodiversité et de changement climatique. Cependant, ces itinéraires nécessitent aussi une évolution des modèles économiques pour les soutenir. Sur le volet agronomique, nous pouvons argumenter, nous avons des références. En revanche, sur le volet économique, il est beaucoup plus complexe de donner plus de valeur à nos actions, alors que le consommateur est habitué depuis 40 ans à payer son alimentation de moins en moins chère.

Comment sécuriser ces transformations ?

D.C : Nos entreprises sont à l’interface des producteurs et des consommateurs. Nous devons sortir d’une production en flux poussé pour basculer vers une production de flux tiré. Pour y parvenir, seule une logique de planification entre l’amont et l’aval, calée sur l’évolution de la demande en quantité et en qualité, est à enclencher. Elle doit s’appuyer sur toutes les démarches qui accompagnent les transitions écologique et énergétique. Pour cela, notre réseau de 9 000 conseillers est une vraie force !

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Sur le volet agronomique, les coopératives disposent d’importantes références obtenues notamment dans le cadre des essais menés chez les agriculteurs.

Quelles stratégies de protection des cultures s’insèrent dans cette planification ?

D.C : D’une production agricole caractérisée par des itinéraires standardisés où la chimie et les interventions mécaniques réglaient 90 % des situations, nous tendons vers 400 000 itinéraires uniques, soit autant que d’exploitations agricoles ! Chacune possède son écosystème et répond en fonction de ses conditions agronomiques et économiques. Une logique de tiroirs, avec une combinaison de solutions, se déploie. Le modèle de demain, c’est avec le biocontrôle, l’agronomie, le numérique, les variétés tolérantes sans compter les solutions en phytopharmacie qui resteront autorisées.

Quelles innovations vous semblent les plus efficientes dans ce changement de modèle de production agricole ?

D.C : Indéniablement, le numérique ! De plus en plus de démarches dites agroécologiques partent d’une data liée à une situation précise. Davantage de digital sécurise nos conseils en lien avec le changement climatique. En complément, apporter 400 000 solutions veut dire plus d’expérimentations sur l’approche agronomique combinatoire. Idem, à l’exportation, on va de plus en plus être interrogés par rapport aux nouveaux leviers pour gérer l’eau et le changement climatique ainsi que sur l’utilisation des pesticides. Le numérique va nous aider à tout justifier et à tout piloter. De nouvelles techniques de croisement avec l’édition du génome sont également nécessaires pour accélérer la sélection de variétés plus résilientes face aux stress climatiques, tolérantes aux bioagresseurs, productives et pour les espèces concernées, plus riches en protéines.

Enfin, le transfert de l’innovation entre la recherche fondamentale et l’agriculture fait aussi partie de nos réflexions. Passer de la démarche standardisée à l’analyse implique la définition d’une trajectoire de progrès. Au quotidien, il faut vivre dans cette dynamique et y inscrire le conseil stratégique délivré aux exploitations agricoles. L’innovation peut aussi venir du terrain. Des agriculteurs apportent des solutions. Les bénéfices des plantes compagnes des cultures principales ont été mis en exergue de cette façon. À Terrena, ma coopérative, un fonds a été créé pour gérer le risque lié à ces essais. Écouter le terrain, théoriser et dupliquer : une autre voie d’exploration par la recherche.

Repères

2 100

coopératives agricoles et agroalimentaires collectent et transforment 30 à 90 % des matières premières agricoles produites par trois quarts des agriculteurs français.

1 marque alimentaire sur 3

est fabriquée par les coopératives

93 %

des entreprises coopératives sont des TPE-PME.

Terroir et histoire sonnent mieux à l’oreille des consommateurs

Sensibles aux questions de changement climatique et de santé, les consommateurs orientent leur choix vers des produits locaux. Pour les marques alimentaires, tout l’enjeu est de remettre de la valeur autour d’une production agricole plus vertueuse en expliquant avec sincérité l’évolution des pratiques dont la protection des cultures.

Anxieux le consommateur en 2023 ? Assurément. Il l’a toujours été, au rythme des crises géopolitiques, économiques, environnementales et sanitaires. Côté attentes, une tendance lourde se dégage, devenant prépondérante : « Le changement climatique n’est plus un questionnement ; mieux, les consommateurs veulent se sentir acteurs de la solution », partage Sandrine Raffin, présidente de Link Up, cabinet de conseil spécialisé dans la RSE. Indépendamment de son âge, chacun s’engage, selon son lieu de vie et ses moyens financiers, dans une forme de militantisme via ses gestes quotidiens, plus ou moins marqués.

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Sandrine Raffin, présidente de Link Up, cabinet de conseil spécialisé dans la RSE.

Transition alimentaire soutenue par le local

Pour l’alimentation, la transition vers un régime moins carné afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’amont agricole ressort plus nuancée. La part des consommateurs se déclarant flexitariens progresse doucement, passant en cinq ans de 38 % à 48 % (2022). Néanmoins, un bon tiers persiste dans ses habitudes : « 36 % de la population ne participe pas à la transition alimentaire, principalement pour des raisons culturelles ou ne voyant pas non plus clairement le lien entre l’alimentation et l’impact climatique, 10 % se disent même réfractaires », précise Sandrine Raffin en s’appuyant sur une enquête de l’Obsoco de décembre 2021. Les végétariens représentent 5 % de la population, ratio inchangé depuis dix ans. En revanche, l’angle d’attaque sur le consommer bon, sain et local, se démarque face aux enjeux environnementaux : « Depuis la crise Covid-19, la quête de sens dans l’alimentation se généralise avec l’envie de mieux connaître l’origine des produits et des ingrédients, les marques l’ont d’ailleurs bien comprise », témoigne-t-elle, estimant que, le « local » associé à la qualité et la santé, devrait prendre le pas en termes d’allégation sur le « sans », tel le « sans résidus de pesticides, « ce critère concurrençant d’ailleurs le bio ».

 

Près d’un Français sur deux engagé dans la transition alimentaire

7 profils types de Français, plus ou moins engagés
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Source : L’Obsoco, Observatoire du rapport à la qualité et aux éthiques dans l’alimentaire, décembre 2021

Valoriser la production agricole par le récit

Avec la production locale, les filières et les entreprises agroalimentaires peuvent aussi raconter une histoire : « L’attente est forte de ressentir l’humain derrière la chaîne agroalimentaire et de se reconnecter au monde agricole français qu’affectionnent les consommateurs », complète Sandrine Raffin. Généralement plus vertueuses, les productions françaises souffrent d’un manque de visibilité sur leurs engagements, et in fine, d’une plus juste valorisation. Des marques comme la pomme Pink Lady révèlent la valeur créée dans les vergers : produit sur un terroir français, goûteux avec des pratiques cohérentes avec les enjeux environnementaux. « La protection des cultures fait partie du récit en montrant qu’elle avance avec la nature après avoir été par le passé dans les excès », relève Sandrine Raffin. L’idée n’est pas d’égrener les techniques mais bien de nourrir le discours avec ce qui parle au plus grand nombre, en toute sincérité et pourquoi pas de façon ludique. Gaming, QR code sur le packaging… sont autant de moyens qui aident à expliquer la transition agricole.

« Aujourd’hui, des acteurs leader de l’agroalimentaire tels Nestlé, Heineken et Kronenbourg s’inscrivent dans cette dynamique, d’où leur soutien dans l’agriculture régénératrice ou l’agroécologie, ajoute Sandrine Raffin. C’est un axe fort de leur politique RSE. » Alors, côté histoire à raconter « qui parle à tous », on trouve celle des vers de terre qui vivent des sols et les font vivre, celle des couverts végétaux à reboucler avec l’enjeu de stockage de carbone dans les sols, de gestion de l’eau, de diversification des cultures et d’atténuation du changement climatique. Dans ce modèle agricole, la protection des cultures explore des itinéraires innovants : biocontrôle, biostimulants, digital pour suivre les bioagresseurs et phytopharmacie, si nécessaire, renforçant sa durabilité.

Repères

91 %

des Français partagent la certitude qu’un dérèglement climatique est en cours*

72 %

des Français se sentent exposés à un risque lié au dérèglement climatique*

85 %

de français sont incités à en 2020 acheter un produit parce qu’il est régional. C’est 8 points de plus qu’en 2019** 

Sources : 

*Baromètre de la transformation écologique, Elabe x Véolia, octobre 2022.
** L’ObSoCo, Observatoire du rapport à la qualité et aux éthiques dans l’alimentaire, décembre 2021 ; Credoc, Tendances de consommation, juin-juillet 2020.

Meunerie François Cholat : le blé local, agroécologique, reconnecte consommateurs et agriculteurs

Précurseur en 1997 de la traçabilité du champ au moulin, Maison François Cholat a créé en 2011 le label « Qualité filière Rhône-Alpes » afin de rendre plus visible son ancrage local. Depuis, l’entreprise poursuit sa démarche de progrès fondée sur l’agroécologie et vise la certification Haute valeur environnementale (HVE) de toutes les exploitations agricoles.

« C’est une farine chauvine que nous fabriquons aux Grands Moulins de Thuile », introduit François Maxence Cholat, responsable filière Maison François Cholat, entreprise familiale établie à Morestel dans l’Isère. Il représente la sixième génération.

L’argument terroir, essentiel pour les artisans boulangers

Le moulin recèle plus de 150 recettes de farines labellisées « Qualité filière Rhône-Alpes ». Elles sont fabriquées avec des blés collectés auprès de 250 exploitations agricoles de toute la région. L’origine et la fabrication locales, demandées par les consommateurs, sont particulièrement valorisées, non sans humour. Pour communiquer sur ces spécificités, un personnage en pain jouant au foot a été créé en utilisant une farine Tradition de la Loire ! Quant au pain qui sort du four avec deux de ses quatre cornes modelées un peu plus courtes, il est pétri avec la farine « Pain du Dahut » de la gamme Savoie. Clin d’œil à une chèvre agile des alpages, vue par tous…

L’agroécologie, indispensable à la notion de local

La filière « Qualité filière Rhône-Alpes », redonne aussi du sens à l’engagement éthique d’une juste rémunération des agriculteurs. Des pratiques agroécologiques complètent cette démarche. Le cahier des charges pour les producteurs intègre uniquement les variétés tolérantes aux maladies adaptées aux terroirs et les produits de protection des cultures que le service agronomique de l’entreprise teste au préalable. L’approche combinatoire est privilégiée : soufre pour la bioprotection, biostimulants et raisonnement de la protection fongicide avec l’OAD Avizio de Syngenta pour ne traiter le blé que si le risque maladie est avéré. En généralisant notamment cette stratégie de protection, l’entreprise vise la certification Haute valeur environnementale pour tous les agriculteurs en 2027.

Nestlé France : la transition de la filière agroalimentaire s’appuie sur l’agriculture régénératrice des sols

Pour décarboner la filière alimentaire, les industries agroalimentaires accompagnent les agriculteurs dans la transformation de leurs modèles de production. Nestlé France et ses partenaires s’appuient sur la démarche d’agriculture régénératrice via le programme Sols Vivants. Quelles évolutions pour la protection des cultures ?

Près de 70 % des matières premières transformées par Nestlé France proviennent de l’agriculture française. Elles représentent les deux tiers de l’empreinte carbone du produit fini. Dans le cadre de sa stratégie RSE*, Nestlé a pour objectif d’obtenir en 2025, 20 % de ses matières premières clés issus de l’agriculture régénératrice. D’ici à 2030, la moitié des approvisionnements devront être concernés. « Plusieurs programmes pour décarboner l’amont agricole sont en cours de déploiement à l’instar de Sols Vivants, démarche pilotée par l’ONG EarthWorm, et Fermes laitières bas carbone, née de l’expertise de l’Idele, l’institut de l’élevage laitier », partage Charles Leonardi, directeur général de la supply chain de Nestlé France. Nestlé travaille la thématique du sol, jugée « centrale », depuis 2016. Le programme Sols Vivants a débuté en 2018.

Écosystème d’entreprises réunies autour de l’agriculture régénératrice

Inscrite dans la durée, la démarche de l’agriculture régénératrice engage désormais un écosystème de structures intermédiaires de collecte et de première transformation. Elle génère une valorisation additionnelle pour l’amont agricole. Aussi, la dernière contractualisation de Nestlé a été signée avec la coopérative Agora, le 3 mars 2023 lors du Salon de l’agriculture. Elle rejoint les coopératives Noriap, Unéal, Dijon Céréales et Eureden, le négoce agricole Carré et Saint Louis Sucre.

« Désormais, nous travaillons avec 180 exploitants en agriculture régénératrice, principalement en grandes cultures dans les régions des Hauts-de-France, de l’Est et en Bretagne, témoigne Charles Leonardi. Sur les 300 000 tonnes issues de l’agriculture française que transforme Nestlé France, plus de 70 000 tonnes ont été récoltées en 2022 dans ce cadre. »

Chaîne de co-bénéfices avec l’agriculture régénératrice

Essentielle à une agriculture plus résiliente face aux aléas climatiques tel le stress hydrique, l’agriculture régénératrice garantit mieux les rendements. Outre le stockage du CO2, les co-bénéfices sont nombreux : biodiversité, fertilité et tenue des sols accrues ainsi qu’une meilleure gestion des bioagresseurs… « Travailler à l’amélioration de la santé des sols et au déploiement de l’agriculture régénératrice doit avoir pour effet de diminuer l’utilisation de produits de protection des plantes par le biais de la rotation culturale et de la généralisation des couverts végétaux », complète Charles Leonardi.

Récompenser le progrès et non des objectifs chiffrés

Pas de dogmatisme dans le référentiel agronomique de Sols Vivants mais plutôt l’envie de récompenser le progrès avec des primes et en s’appuyant sur des indicateurs qui le mesure et non sur des objectifs quantifiés. « Pour atteindre 50 % d’agriculture régénératrice, nous apprenons à mesure que nous déployons le programme, prévient Charles Leonardi. Le principe, c’est d’embarquer aussi ceux qui n’utilisaient pas à 100 % de telles pratiques. Le cahier des charges n’est pas figé. » Cinq indicateurs de la qualité des sols et du stockage du carbone ont été élaborés par le comité scientifique d’EarthWorm en lien avec un comité d’agriculteurs et un comité regroupant des industriels.

Évaluer autrement l’impact des pratiques agricoles

Le changement de pratiques agricoles invite à reconsidérer les indicateurs d’impacts mis en place dans les groupes agroalimentaires. « La question de la protection des cultures en lien avec l’agriculture régénératrice fait l’objet de discussions afin d’être suivie de la manière la plus pertinente, précise Charles Leonardi. L’objectif est de mieux orienter la transition et de donner un état des lieux fondé sur une trajectoire d’évolution des impacts ».

*RSE : Responsabilité sociétale des entreprises

Saint Louis Sucre

Produire un sucre local avec un moindre impact sur l’environnement

Partenaire du programme Sols Vivants depuis 2019 dans le cadre d’un contrat avec Nestlé France, Saint Louis Sucre crée des références en agriculture régénératrice destinées à ses planteurs, « sans opposer les agricultures », prévient Thomas Nuytten, directeur betteravier. « Certains agriculteurs vont intégrer des démarches plus ou moins poussées par rapport aux enjeux de décompaction et de vie des sols », complète-t-il. Parmi les innovations évaluées sur sa ferme agroécologique d’Étrépagny, localisée dans l’Eure, et dans le cadre de ses essais Mont Blanc, Saint Louis Sucre expérimente le désherbage avec le robot FD20 Farmdroid, le biocontrôle et les biostimulants sur la betterave ainsi que sur le blé. Le bénéfice agronomique de différents couverts végétaux est aussi comparé. « Ainsi, nous répondons aux attentes de nos clients directs et des consommateurs de produire un sucre local avec un moindre impact sur l’environnement », ajoute Thomas Nuytten.

Les questions posées par les clients de Saint Louis Sucre concernent notamment le temps de couverture des sols en interculture, la diminution de l’intensité des travaux du sol et le suivi de son activité biologique. Les démarches de diminution des produits phytosanitaires sont également discutées. «  Saint Louis Sucre reste garant pour ses agriculteurs de ne pas les laisser dans des impasses techniques », souligne Thomas Nuytten.

Pour Thomas Nuytten, produire en agriculture régénératrice est synonyme, dans les contrats avec les planteurs, de valeur ajoutée  : « Les agriculteurs prennent un risque par rapport au rendement et investissent dans d’autres agro-équipements ».

L’innovation, vitamine C de la filière fruits et légumes

Renouer avec la compétitivité, celle avec un grand C ! Tel est le défi majeur de la filière fruits et légumes. Pour y parvenir, elle doit sécuriser sa production tout en poursuivant la transition écologique.

Semis en godet, maraichage

© Nadège Petit

Fragilisée par les impasses techniques en protection des cultures et les impacts du changement climatique,  la filière fruits et légumes se mobilise pour construire des solutions combinatoires efficaces. L’approche est fructueuse lorsque tous les acteurs s’impliquent : recherche, instituts techniques, industriels, privés comme coopératifs, organisation de producteurs…, sans oublier les pouvoirs publics !

Lancé en février 2023, le « plan de souveraineté » dédié à la filière française des fruits et légumes vise à accompagner les acteurs pour renforcer leur capacité productive tout en répondant aux enjeux de la planification écologique. Son objectif : regagner cinq points de compétitivité à l’horizon 2030. « Nous nous inscrivons parfaitement dans cette ambition, souligne Cécile Le Doaré, directrice générale d’Unilet, l’interprofession des légumes transformés. En revanche, pour parler de souveraineté, nous devons aborder la question de la compétitivité et des solutions opérationnelles à disposition des agriculteurs pour cultiver. » Aujourd’hui, la filière se confronte à des impasses techniques qui mettent en péril ses productions. « En matière de maîtrise sanitaire, 99 % de nos usages majeurs sont menacés par le retrait d’une substance active, complète-t-elle. Nous devons donc accélérer la recherche, et l’obtention, de solutions combinatoires pour maintenir nos productions sur le territoire. »

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Une approche collaborative pour des solutions combinatoires

La R&D apparaît comme l’un des premiers leviers pour y parvenir. Unilet consacre 70 % de ses ressources à de la recherche en amont. Un tiers est dédié à l’expérimentation de nouvelles molécules de protection des plantes, de synthèse ou de biocontrôle. Les deux tiers restants le sont pour la recherche de leviers agroécologiques : variétés résistantes, nouveaux itinéraires techniques, désherbage mécanique, etc. L’organisation dispose de trois stations d’expérimentation sur lesquelles elle travaille en collaboration avec l’ensemble des acteurs du secteur : services agronomiques des industriels, entreprises de protection des cultures, instituts techniques partenaires, etc. « L’ensemble des acteurs de la filière se mobilise derrière ces enjeux : des producteurs aux entreprises de l’aval, explique Cécile Le Doaré. C’est la pérennité de l’ensemble de la filière qui est conditionnée par notre capacité à trouver les réponses efficaces, durables et opérationnelles à ces enjeux. Ensemble, nous faisons évoluer les cahiers des charges pour, à la fois, répondre aux attentes de la société, et maintenir des conditions de production soutenables pour les agriculteurs. »

L’interprofession Unilet fédère 16 organisations de producteurs et 10 entreprises de transformation de légumes. Représentant un tiers des surfaces de légumes de France, elle approvisionne 40 % du marché français en légumes de conserve et surgelés et exporte l’équivalent essentiellement pour les marchés européens.

Les insectes stériles pour lutter contre la drosophile

Si certaines solutions se révèlent d’ores et déjà opérationnelles, d’autres en sont encore au stade expérimental. La Fédération nationale des producteurs de fruits conduit, par exemple, des expérimentations avec le CTIFL (Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes) et l’Inrae dans la lutte contre la drosophile du cerisier, principale menace pour cette production. Ils testent la technique de l’insecte stérile (TIS). Des drosophiles mâles stériles sont relâchées durant la période de reproduction pour s’accoupler avec les femelles. « Cette technique a été développée au Canada pour lutter contre le carpocapse du pommier, explique Françoise Roch, présidente de la Fédération nationale des producteurs de fruits. Au bout de deux ou trois ans, la pression du ravageur a considérablement baissé. Néanmoins, il faudrait environ trois ans et 5 à 10 M€ d’aides pour déployer une telle solution chez les agriculteurs en France. »

Moins de résidus avec la micro-injection

La fédération a également identifié d’autres pistes, comme la micro-injection. Le principe : l’agriculteur injecte une substance active directement dans le réseau de sève de l’arbre, évitant le traitement foliaire. Interdite en France sur les arbres fruitiers, la technique pourrait s’avérer efficace pour lutter contre la tavelure et les pucerons du pommier. « Cela demande de faire évoluer la réglementation et aussi d’industrialiser la technique de traitement. Sans signal des politiques publiques, les constructeurs de matériels ou les firmes n’investiront pas pour développer des outils pratiques pour les agriculteurs. Pourtant, cette innovation présente de nombreux avantages. Les résidus mesurés sont bien plus faibles que ceux relevés lors d’un traitement foliaire, et l’innocuité pour le consommateur final respecte largement la réglementation », souligne Françoise Roch.

Cécile Le Doaré, directrice générale d’Unilet :

« Maintenir et développer une filière de production et transformation de légumes français constitue un enjeu économique mais répond également à une question de santé publique : pour une alimentation saine, équilibrée et de qualité. Nous déployons une démarche collective de responsabilité sociétale et nous communiquons davantage vers les pouvoirs publics et nos parties prenantes sur l’évolution de nos pratiques de protection des cultures. Notre objectif est d’appeler l’ensemble des acteurs à s’impliquer dans la recherche des solutions et dans la construction d’un progrès durable pour notre filière ».

Françoise Roch, présidente de la Fédération nationale des producteurs de fruits :

« Dans la grande distribution, les exigences varient d’un interlocuteur à l’autre. Certains demandent l’absence de plus de quatre résidus sur le fruit. D’autres exigent certaines pratiques, comme l’interdiction d’utiliser des substances actives. Enfin, la certification comme la Haute valeur environnementale devient la condition d’entrée à certains marchés. Nous avons investi pour nous mettre au niveau des nouveaux cahiers des charges. La plupart rémunèrent ces efforts financièrement. En revanche, lors de période d’inflation comme ces derniers mois, le facteur prix reprend vite le dessus. La grande distribution privilégie alors les productions standard, souvent produites hors de l’Hexagone, aux dépens de nos fruits de qualité français. »

Carte blanche à Stéphane Grossin, photographe spécialisé en agriculture

« Les méthodes de travail dans l’agriculture évoluent et se mécanisent pour une meilleure pratique et un rendement optimisé. » Instants saisis dans les serres de tomates en Gironde et lors du ramassage en plein champ des carottes dans les Landes. La main d’œuvre, précieuse, doit s’adapter aux nombreuses règles, être rapide et multitâche, du champ aux postes de conditionnement et d'expédition.

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Indicateurs

Entendu, Lu !

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275 millions d’euros ont été investis en France en 2022 par les adhérents de Phyteis dans la recherche et le développement de solutions innovantes (digital, bioprotection, biostimulation, phytopharmacie…).

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Pamela Ronald, généticienne et professeure au Département de pathologie végétale et au Centre du génome de l’Université de Californie, à Davis : « Les biotechnologies sont l’un des leviers pour répondre aux enjeux de changement climatique, de réduction des intrants et d’alimentation mondiale durable ». Le 20 avril, lors de la présentation de son livre « La table demain -L’agriculture bio, la génétique et l’avenir de notre alimentation », publié aux éditions AgriDées.

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Avec son mémoire de doctorat à l’Université de Wageningen (WUR) aux Pays-Bas présenté le 14 avril, Daniel Moñino-López, a fait une percée dans la lutte contre le mildiou de la pomme de terre. Grâce à la technologie d’édition de gènes CRISPR/Cas, il a rendu les plants de pomme de terre résistants à la maladie du mildiou causée par Phytophthora infestans. Il l’a fait sans insérer d’ADN étranger dans le génome de la pomme de terre. Le gène de résistance provient d’une pomme de terre sauvage.

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Baisse générale des IFT dans les fermes Dephy

Dephy Ferme publiait, le 25 avril 2023 sur EcophytoPIC, une analyse globale des chiffres de l’ensemble du réseau. Entre l’Indicateur de fréquence de traitement enregistré à l’entrée des fermes dans le réseau et celui calculé en moyenne de 2018 à 2020, le recul est généralisé. Selon les filières, la baisse est de 18 % (cultures tropicales) à 38 % (arboriculture). Deux autres synthèses concernent les résultats de la filière légumes avec l’évolution du recours au biocontrôle et ceux de la filière viticulture.

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« Les députés adoptent une résolution pour lutter contre les surtranspositions des directives européennes en matière agricoles […] ». La résolution se compose d’un article unique formulant neuf recommandations au gouvernement, comme la généralisation des clauses miroirs (notamment le règlement relatif à l’usage durable des pesticides, SUR). Il faudrait aussi conditionner toute interdiction de mise sur le marché des phytos « à l’existence de solutions alternatives efficaces, n’entraînant ni perte de rendement ni […] surcoûts de production inacceptables », estiment les parlementaires, faisant référence à l’interdiction des néonicotinoïdes pour les betteraves. Pour le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, qui défend la proposition de résolution, certaines transitions sont nécessaires « dans l’intérêt [de tous], y compris du monde agricole, mais elles peuvent prendre du temps ». Dans ce cadre, « la question de la massification des innovations est centrale » pour convaincre les agriculteurs », a-t-il souligné.
Contexte Agro, édition du 12 mai.

Les faits marquants

Retrouvez l’actualité nationale et internationale des adhérents de Phyteis de février à mai 2023.ives et partenariats dans le digital farming, rapprochements en structures pour accélérer la recherche en bioprotection ainsi que la commercialisation font partie des temps forts du secteur.

Orge Hiver 6 Rangs

© Nadège Petit

Mai

Ascenza a investi dans plusieurs outils numériques pour accélérer la croissance de sa communication digitale et surtout, mieux comprendre ses clients et leur apporter des contenus exclusifs et pertinents, en fonction de leurs besoins et attentes.

Pour simplifier et sécuriser l’utilisation de ces produits phytopharmaceutiques, Adama a créé les DIGI.DOCS.AGRI. Posters, infographies et brochures, sont à télécharger ici.

Le 9 mai, lors du salon Interpack qui s’est tenu à Düsseldorf, en Allemagne, le système easyconnect, Système de transfert fermé (STF), a été récompensé dans la catégorie « Design orienté vers la praticité et les bénéfices de l’utilisateur » du trophée Pack the Future Awards. Décerné par l’Association allemande IK pour l’emballage plastique et son partenaire français ELIPSO, ce prix s’adresse aux solutions de packaging innovantes et durables.

Action Pin a obtenu le 8 mai la certification B Corp. Action Pin rejoint une communauté mondiale de plus de 6 500 entreprises axées sur des objectifs qui répondent aux normes élevées de responsabilité sociale et environnementale et de transparence établie par ce mouvement.

Avril

Climate FieldView de Bayer et Wanaka deviennent interopérables pour simplifier la modulation et le pilotage de la fertilisation azotée.

climate Wanaka

La société française de produits biologiques Agrauxine by Lesaffre a conclu un accord de distribution avec la filiale française de Sumitomo Corporation, Sumi Agro France, et la filiale de la société japonaise Mitsui & Co, Certis Belchim.

Syngenta Crop Protection et la société belge de produits de biocontrôle Biotalys sont convenus d’une collaboration pour la recherche, le développement et la commercialisation de nouvelles solutions de bioprotection sur de nombreuses cultures.

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La joint-venture Bosch BASF Smart Farming devient ”ONE SMART SPRAY”. Des premières productions en série de pulvérisateurs dotés de la Smart Spraying Solution sont programmées avec Dammann pour ce printemps (Allemagne et Hongrie) et sur les pulvérisateurs Fendt Rogator d’AGCO pour 2024 (Amériques et Europe).

L’outil de gestion du risque mildiou Mileos d’Arvalis est désormais accessible depuis xarvio Field Manager de BASF. Hébergé et maintenu par Arvalis, le modèle continue d’être amélioré grâce aux travaux de R&D de l’institut.

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Entre 2018 et 2022, l’OAD Mileos d’Arvalis a permis une économie moyenne de 5 points de l’Indicateur de fréquence de traitement (IFT). En 2022, 60 % des planteurs l’ont utilisé.

© Nadège Petit

Mars

Corteva Agriscience a finalisé le rachat du fournisseur espagnol de solution de bioprotection des cultures Symborg, ainsi que de l’entreprise américaine Stoller spécialisée dans les biostimulants.

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Regrow Ag et xarvio® Digital Farming Solutions collaborent pour faire avancer les pratiques agricoles en faveur de la décarbonation. Intégré dans Xarvio (la plateforme agricole intelligente), le logiciel de Regrow utilise un modèle de télédétection. Il estime le cycle des nutriments dans le sol dont ceux du carbone y compris la quantité de carbone stockée dans les sols.

Février

Climate FieldView, plateforme agronomique numérique de collecte et d’analyse des données agricoles de Bayer, a obtenu le label Data Agri. L’outil répond ainsi à la charte Data Agri élaborée par la FNSEA et les JA. Le label certifie une utilisation sécurisée et transparente par Climate FieldView des informations émanant de la parcelle, lesquelles restent la propriété des agriculteurs.

Bayer Crop Science a conclu un accord pour devenir distributeur exclusif de certains produits de protection à base de phéromones de la société française de sémiochimie M2i.